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SAINT VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
TOME I
I
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SAINT
VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
ENTRETIENS, DOCUMENTS
I
CORRESPONDANCE
TOME I (1607 — 1639)
ÉDITION PUBLIÉE ET ANNOTÉE
PAR
PIERRE COSTE
PRÊTRE DE LA MISSION
PARIS
LIBRAIRIE LECOFFRE. J. GABALUA, ÉDITEUR
90, RUE BONAPARTE, 90 1920
(SlTY ^^
«73885 .
^
A
MONSIEUR FRANÇOIS VERDIER
SUPÉRIEUR GÉNÉRAL
DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION
ET
DE LA COMPAGNIE DES FILLES DE LA CHARITÉ
•• • »
NIHIL OBSTAT
Clément Vidal, Prêtre de la Mission. Emile Neveux, Prêtre de la Mission.
PERMIS D'IMPRIMER
Paris, i8 novembre 1919.
F. Verdier,
Su-p. gén.
IMPRIMATUR
Parisiis, die 19* novembris 1919.
Ed. Thomas,
Vie. gén.
LETTRE DE M VERDIER
SUPERIEUR GENERAL DE LA CONGREGATION DE LA MISSION
Paris, le 17 février 1920.
Monsieur et bien cher Confrère,
La grâce de Notre-Seigncur soit avec vous pour jamais !
Vous avez entrepris et vous venez de conduire à bonne fin un beau et consciencieux travail destine' à mieux faire connaître saint Vincent de Paul par la publication de ses lettres.
Le premier recueil imprime' remonte à 1880; il est près d'être épuisé ; surtout il présente bien des lacunes. Plus complet, le vôtre contiendra plusieurs centaines de lettres inédites, ou connues seulement en partie, qui avaient échappé aux recherches de votre prédé- cesseur. Vous y ajoutez, et l'innovation est heureuse, les lettres reçues par le saint.
Après avoir rappelé qu'au lendemain de sa mort, on estimait à trente mille le nombre de ses lettres, et que Collet, au dix-huitième siècle, avait pu en consulter près de sept mille, l'éditeur de 1880 a)oute, non sans
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quelque mélancolie: « Il nous en reste aujourd'hui deux mille cinq cents; les autres, hélas ! sont à jamais perdues ou enfouies dans quelques archives particu- lières. Si incomplète que soit cette collection quand on la compare à ce qui a péri, on n'a négligé aucun moyen de Tenrichir, et il reste désormais peu de chances de l'accroître d'une manière notable. »
Vous n'avez pas voulu faire vôtre cette résignation; et s'il est vrai que la fortune aide les audacieux, il n'est pas moins vrai que la Providence récompense les persévérants. Vous en êtes un exemple encoura- geant. Vous avez cherché beaucoup, longtemps et partout, jusqu'en Amérique, et vous avez fait de pré- cieuses découvertes: précieuses par le grand nombre de lettres nouvelles, précieuses par la valeur intrin- sèque de plusieurs d'entre elles. Ces découvertes vous ont permis de compléter telle lettre dont on ne possédait qu'une partie, de mieux dater telle autre, de rectifier le nom de tel destinataire, jusque-là incer- tain, parfois erroné.
Vous avez su chercher et trouver; vous avez su lire ; de telle sorte que vous nous restituez le texte de saint Vincent dans sa parfaite intégrité. C'est bien le saint qui parle toujours et qui toujours nous redit ce qu'il a voulu dire à ses correspondants, et de la ma- nière, formes et expressions, dont il a voulu le dire.
Je suis heureux de vous en remercier. A mieux connaître les grands hommes, on les apprécie mieux; et s'ils sont vraiment grands hommes, on les aime davantage. Saint Vincent a sa place marquée parmi ces véritables grands hommes : l'Église le reconnaît et le proclame comme un de ses héros, et son pays le
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compte parmi ceux de ses enfants qui l'honorent le plus.
La lecture de ses lettres, où il se peint lui-même, le fera mieux connaître, partant le fera aimer. A le mieux connaître et à l'aimer, vos lecteurs, ou plutôt les siens, se sentiront devenir meilleurs. Je ne parle pas du plaisir spécial qu'éprouveront les amateurs des choses de l'esprit, connaisseurs de l'histoire et des mœurs de l'époque oià vécut le saint.
Cet intérêt d'édification et d'érudition, ce ne sont pas seulement les enfants de la famille spirituelle de saint Vincent de Paul : congrégation de la Mission et Filles de la Charité, qui seront à même de le goû- ter; les grandes associations qui se réclament de son nom : dames de la Charité, conférences de Saint- Vin- cent, d'autres encore, moins connues, mais non moins attachées à son nom comme à son esprit, l'y trouve- ront également.
Enfin le public lettré lui-même aura toute facilité de faire connaissance plus intime avec ce grand homme et ce grand saint. Votre ouvrage, en effet, s'il apporte un heureux démenti aux regrets découra- gés du précédent éditeur au sujet du nombre des lettres, donne, par ailleurs, satisfaction à son désir de rendre public ce trésor. « Un tel ouvrage, dit-il, parlant de son recueil, s'il était livré au public, ne pourrait manquer d'exciter l'intérêt des lecteurs, auxquels il offrirait un nombre considérable de docu- ments aussi précieux qu'édiilants et presque tous inédits. »
Ce vœu est désormais rempli, et bien rempli, grâce à votre publication.
b
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Il me reste à souhaiter à votre travail la plus large diffusion ; et ce souhait, c'est de tout cœur que je le forme, comme aussi c'est en toute confiance que j'en attends la re'alisation.
Croyez-moi toujours. Monsieur et bien cher Con- frère, votre tout dévoué en Notre-Seigneur.
F. Verdier, Supérieur général.
INTRODUCTION
I
Saint Vincent de Paul a beaucoup agi. Il a aussi beaucoup écrit. Un homme d'action est, par la force des choses, un homme de relations. Et plus les rela- tions sont nombreuses, plus abondante est la corres- pondance qui sert à les entretenir.
On évalue à plus de trente mille le nombre des lettres qui sont sorties de la plume du saint ou de ses secrétaires. Au témoignage de Collet^, il en restait de six à sept mille en 1748. Après plus de trois siècles, ce trésor s'est considérablement appauvri. Nous ne pourrions même pas en éditer aujourd'hui mille huit cents si nous nous en tenions aux lettres dont nous avons le texte complet.
De tous les correspondants de Vincent de Paul, nul ne fut en relations plus suivies avec lui que Louise de Marillac. Ce recueil renferme environ quatre cents lettres du saint à sa pieuse collaboratrice. Le plus favorisé après elle est Firmin Get, supérieur de la maison de Marseille, à qui reviennent cent cinquante lettres. Jean Martin, supérieur à Turin, en a, pour
I. La Vie de saint Vincent de Paul, Nancy, 1748, 2 vol. 111-4, t- I> p. IV.
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sa. part, près de cent trente ; Edme Jolly, supérieur à Rome, près de cent vingt; Charles Ozenne, supérieur à Varsovie, près de cent; Etienne Blatiron, supérieur à Gênes, près de quatre-vingts. Puis viennent par ordre Bernard Codoing, le frère Jean Parre, Antoine Portail, Louis Rivet, Jacques Pesnelle, xMarc Coglée, tous membres de la congrégation de la Mission. Le saintse fit une règle, durant plusieurs années, d'écrire chaque semaine aux supérieurs des maisons de Mar- seille, Rome, Gênes, Turin, Varsovie et à d'autres -, et il y était fidèle, même lorsqu'il n'avait rien à dire 3. Aussi, en bien des cas, les dates des lettres qui nous restent nous permettent-elles de deviner presque à coup sûr les dates de celles qui sont perdues.
Vincent de Paul ne cessa jamais, sauf quand la ma- ladie l'en empêchait, d'écrire de sa main à Louise de Marillac. Jusqu'en 1645, il fit lui-même toute sa cor- respondance. Débordé par les occupations, il prit pour secrétaire, cette année-là, son compatriote le frère Bertrand Ducournau^, qui avait de l'instruction, écrivait bien, aimait le travail et unissait à un juge- ment sûr un dévouement sans limites. L'année d'après, le frère Louis Robineau fut nommé second secrétaire. Les lettres qui nous restent sont
2. Voir les lettres du 16 novembre i658 au frère Jean Parre, du 9 oc- tobre 1643 à Bernard Codoing, du 14 septembre 1646 à Jean Martin, du 3 mai lôSa à. Lambert aux Couteaux, du 2 janvier 1654 à Etienne Bla- tiron, du i5 octobre i655 à Charles Ozenne, du 21 décembre 1657 à An- toine Durand. En i658, Vincent de Paul n'écrivait plus à Charles Ozenne que tous les quinze jours. (Cf. lettre du 18 janvier i658.)
3. Voir la lettre du 12 octobre ib57 à Charles Ozenne et une autre non datée au frère Jean Parre, qui trouvera place parmi les lettres de no- vembre i658.
4. La première lettre écrite par le frère IDucournau est celle du 3 mai 1645 à Jacques Chiroye.
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presque toutes de l'écriture de Vincent de Paul ou de ces deux frères. La transcription des lettres circulaires était confiée à des secrétaires d'occasion.
Le saint dit parfois qu'il dicte ses lettres^ Etait-ce chez lui une habitude, et ce mot dicter^ a-t-il dans son esprit le sens absolu qu'on lui donne couramment? On ne peut s'empêcher de constater une différence sensible entre le style des lettres écrites de sa main et de celles qui sont simplement revêtues de sa signa- ture. Les premières ont un tour plus concis, plus mâle, plus vif; elles portent davantage l'empreinte du supérieur qui détient l'autorité et a conscience de sa responsabilité; on y sent mieux le langage d'un homme qui parie en son nom personnel; leur lecture est plus attachante.
Sa lettre finie, saint Vincent la relisait, faisait les corrections qu'il jugeait utiles, signait et ajoutait en post-scriptum ce qu'il avait oublié. Puis il la pliait et la cachetait. Le sceau, qu'on peut voir en tête du volume, représentait le Sauveur évangélisant les pauvres. Tout autour, les mots Superior Generalis Congreg. Missiouis indiquaient extérieurement la provenance de la lettre.
Ses grandes occupations laissaient au saint peu de temps pour sa correspondance ; aussi le voyons-nous utiliser jusqu'aux moments libres qu'il passait hors de sa demeure^. Il dit lui-même dans une de ses lettres qu'il l'écrivait en pleine rue". Il prenait sou-
5. Voir les lettres du 21 juin i653 à Emerand Bajoue, du 10 août 1657 à Edme Jolly et du 24 août ibSg à François Feydin.
5. Voir les lettres du 3o juin i656 à Jean Martin, du 25 octobre i658 à Firmin Get et du 26 juin 1654 au même.
7. Lettre du 28 juillet i65i à Jean Martin.
— XIV —
vent sur son repos, et parfois, brisé de fatigue, il s'en- dormait en écrivant; l'écriture de plusieurs lettres se ressent visiblement de Tinfluence du sommeil^.
Avant 1639, la date suit toujours la signature, sauf quand la place a manqué au bas de la page^ ; à partir de 1640, elle est toujours en tête^o. Les lettres à Louise de Marillac ne sont datées que lorsqu'elle est en voyage, ou que le saint lui-même est absent de Paris. Quand la date manque, elle est assez souvent remplacée par Tindication du jour de la semaine.
Les lettres aux missionnaires et aux sœurs com- mencent uniformément par ce souhait : La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais ! expres- sion bien sincère du désir le plus intime de son cœur. L'occurrence de certaines fêtes lui suggérait parfois une formule différente : La sainte Passion du Sauveur nous fasse tout faire et tout soutenir pour son amour ^^! ou: La dévotion des disciples de Notre-Seigneur assem- blés pour pî'ier pour la venue du Saint-Esprit soit toute sensible à votre cœur pour jamais^-!
Saint Vincent nous apparaît dans sa correspondance tel que le dépeignent ses biographes : simple, bon, humble, judicieux, pratique, ne perdant pas de vue les détails les plus minutieux d'une affaire, les yeux toujours levés vers Dieu, sa règle et son guide, recon-
8. Par exemple, la lettre du i5 mars i638 à Lambert aux Couteaux.
9. C'est le cas pour les lettres du 2 novembre i636 à Louise de Marillac, du 21 février i638 à Antoine Lucas, du 20 février, du i5 et du 22 mars i638 à Lambert aux Couteaux et du 2 juin i638 à Jean Bécu. Les copistes ont presque toujours reporté en tête de la lettre la date et l'indication du jour de la semaine.
10. De juillet 1639 au premier janvier 1640 le saint varie; l'ancienne habitude prend parfois le dessus.
11. Lettres du 11 avril 1659 à Guillaume Desdames et à Edme Jolly.
12. Lettre du 24 mai 1637 à Louise de Marillac.
— XV —
naissant des bienfaits reçus, plein de respect pour les personnes constituées en dignité'.
11 va droit au but, sauf quand il a un reproche à faire, car alors il commence par s'humilier lui-même.
Il ne faut pas chercher dans ses citations scriptu- raires, faites le plus souvent de mémoire, la reproduc- tion absolument fidèle du texte sacré.
Il savait donner à sa phrase un tour original, par exemple: « M. Aimeras n'a plus de fièvre, ni moi d'autres nouvelles à vous donner^^ », ou quitter le ton sérieux pour dire un mot plaisant : « Je suis fort consolé, écrit-il au supérieur de Turin i^, de ce que notre frère Desmortiers a déjà fait un tel progrès en la langue qu'il sait dire: Signo?^, si. » Après avoir raconté le naufrage d'un vaisseau qui portait des mis- sionnaires envoyés à Madagascar, le saint ajoute i^ que ceux-ci, montés sur une petite barque, avec des provisions pour trois ou quatre jours, arrivèrent à Saint-Jean-de-Luz après deux grandes semaines « en bonne santé et avec bon appétit ».
Bien que saint Vincent ne fût guère sujet aux dis- tractions, on en remarque quelques-unes dans sa correspondance. Une de ses lettres à Pierre Escart, prêtre de la Mission^^^ se termine par les mots « qui suis, en son amour, Madame, votre très humble ser- viteur ». Ce titre de Madame, il le donne deux fois à Mademoiselle Le Gras, sans y penser i^. Deux lettres
i3. Lettre du 19 juin 1654 à Thomas Berthe. Voir encore les lettres du 14 août i638 à Robert de Sergis et du i""" décembre 1646 à Antoine Portail.
14. Lettre du 22 juin 1657 à Jean Martin.
i5. Lettre du 26 août 1640.
16. Lettre du 9 janvier î66o à Guillaume Desdames.
17. Lettres 49 et i5i.
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sont restées inachevées sans que le saint le remarque*^. Ici ou là on trouve des mots répétés, oubliés^^, ou évidemment fautifs ^^. Nous avons dû rectifier certaines dates inexactes des originaux ^i. Dans ces distractions, que l'on pourrait facilement compter, tant elles sont rares, il faut faire la part des secrétaires.
Les lettres de saint Vincent méritaient d'être pu- bliées à titre de documents historiques, pour éclairer la vie de ce grand homme, qui tient sans contredit la première place dans l'histoire de la bienfaisance et doit être mis au premier rang des réformateurs du clergé français; elles le méritaient encore à cause de leur valeur littéraire, qui place leur auteur au nombre des bons prosateurs de la langue française au dix-sep- tième siècle.
Nous possédons encore les originaux d'un bon nombre de ses lettres, la plupart répartis en cinq collections ou dossiers.
Dossier de la Mission. — La Maison-Mère des Prêtres de la Mission possède trois cent cinq origi-
18. Lettres du 17 septembre 1647 à Mathurin Gentil et du i3 juin 1654 à Marc Coglée.
19. Lettres de décembre 1654 et du i"^' août lôSg à Jean Martin et de mars lôSg à Loîiise de Marillac.
20. Lettres du i3 mai i63q à Robert de Sergis, du i3 novembre 1640 à Jacques Tholard, du 20 novembre 1644 à Guillaume Delville, du 14 fé- vrier 1648 à Antoine Portail, du 22 mars i652 à Lambert aux Cou- teaux, du i5 juin 1654 à Marc Coglée, du 5 février 1660 à Jean Martin.
21. Lettres du i"'mai i633 et du 12 décembre 1639 à Louise de Maril- lac, du 22 mars i652 à Lambert aux Couteaux, du 10 octobre 1657 à JacquesX'hiroye, du 12 septembre ibSg à Guillaume Desdames.
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naux", trente-six minutes, dix fac-similés, quarante- deux copies du dix-septième ou du dix-huitième siècle. Elle était bien plus riche avant la Révolution. Le pil- lage de Saint-Lazare en 17S9, la dissolution de la congrégation en 1792 et des dons trop répétés ont contribué à l'appauvrir. Toutes ces lettres, à l'excep- tion de dix-sept, ont été publiées en 1 880 par le secré- taire général de la Congrégation de la Mission, M. Jean-Baptiste Pémartin, avec les autres lettres du saint.
Dossier des Filles de la Charité. — La collection conservée à la Maison-Mère des Filles de la Charité est faite presque uniquement de lettres à Louise de Marillac et aux premières sœurs de la compagnie. Elle renferme deux cent soixante-quinze originaux, dont vingt-deux ont échappé aux investigations de M. Pémartin.
Dossier de Turin. — Le dossier de Turin s'est formé au moment de la Révolution. Les lettres qui le composent furent apportées de Paris à la maison des prêtres de la Mission de Turin par Charles-Domi- nique Siccardi, assistant de la congrégation, qui était chargé de les déposer en lieu sûr. Elles sont au nombre de trois cent quarante-six. parmi lesquelles trois cent i^ingt-quatre originaux, onze minutes et onze copies du dix-septième ou du dix-huitième siècle. Vingt-quatre sont inédites. Nous trouvons là presque toutes les lettres à Jean Martin.
22. Trois cent quarante-sept, si l'on ajoute les quarante-deux lettres du dossier Hains dont il sera parlé plus loin.
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Dossier de Cracopie. — Le 5 décembre 1904, une personne vint apporter à M. Joseph Kiedrowski, visiteur de la province de Pologne et supérieur de la maison de Cracovie, les originaux de cent soixante- sept lettres adressées aux premiers missionnaires de Pologne ; il y en avait cent cinquante de saint Vincent, une de la reine de Pologne, deux de René Aimeras, deux d'Edme JoUy, deux de Jean Dehorgn}^, deux de Thomas Berthe, etc. On croit que ces documents ap- partenaient à la maison de Varsovie avant la disper- sion de 1864 et qu'un prêtre de la Mission les avait mis en sûreté dans une famille catholique -3. M. Pé- martin a connu toutes ces lettres, sauf cinq.
Dossier de la famille Hains. — Lors de la disper- sion des congrégations religieuses à la fin du dix-hui- tième siècle, Jean-Baptiste JVloissonnier, supérieur de la maison de Marseille, prit avec lui les lettres de saint Vincent conservées dans les archives de l'éta- blissement. Ces lettres passèrent, après sa mort (17 janvier 18 13), à M. Nodet, son héritier, beau-père de M. Hains, négociant à Marseille, qui en avait cin- quante-sept en 1886. La fille de ce dernier, Fille de la Charité à Neuilly-sur-Seine, en possédait encore dernièrement quarante-deux. Elle vient de s'en des- saisir généreusement pour les donner au supérieur général des prêtres de la Mission. Le dossier compre- nait au début plus de cent cinquante lettres. Celles qui restent sont presque toutes adressées à Firmin Get. Quatre d'entre elles manquent dans le recueil publié en 1880.
23. Annales de la Congrégation de la Mission, igoS, t. LXX, p. 210.
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Les originaux mis en vente par la maison Chara- vay, de Paris, formeraient à eux seuls une collection importante s'ils étaient réunis, puisqu'on en compte quatre-vingt-dix environ. Nous avons pu en copier quelques-uns sur place avant la vente ou en retrou- ver chez les collectionneurs. La plupart de ces lettres ne nous sont connues que par des copies, l'ouvrage de M. Pémartin ou les brèves indications des cata- logues.
La bibliothèque Sainte-Geneviève nous aurait four- ni dix originaux si une main peu scrupuleuse ne les avait fait disparaître. Il en reste du moins les copies^*, toutes, sauf la lettre à l'abbé de Grandmônt, prises par le Père Prévôt, qui a écrit au verso du folio 2 : « Ces lettres du bienheureux Vincent sont, en général, au chartrier de la congrégation de Sainte-Geneviève, dans un volume folio intitulé sur le dos: Lettres de pr^élats depuis l'an i653 jusqu'en 1660. Ce volume est couvert de basane verte et ren- ferme quelques lettres antérieures à 1 653. » Le volume existe toujours, mais sans les lettres en question. Quatre de ces originaux ont depuis été mis en vente par M. Charavay.
* *
Les recueils anciens des lettres de saint Vincent nous ont été très utiles. Là se trouvent quantité de lettres dont nous n'avons plus les originaux. Passons en revue les principaux.
Lors du procès de béatification de saint Vincent,
24. Ms. 2555.
XX —
plusieurs sessions furent consacrées, comme toujours, à l'examen des écrits. Le tribunal fit reviser trois cent quarante-quatre lettres et en retint trente-deux, les plus importantes sans doute, pour les joindre au dos- sier du procès. Ces trente-deux originaux, tous de l'écriture du saint, appartenaient à la maison de Saint-Lazare. Des experts furent appelés pour en constater l'authenticité. Un copiste juré les transcri- vit dans le volume des procès-verbaux des séances ; la copie fut confrontée avec l'original, et les quelques légères variantes que l'on découvrit furent signalées en marge. Ce sont donc des copies authentiques, de même valeur que l'original: et on peut encore aujour- d'hui constater la parfaite conformité de celles dont les originaux n'ont pas été perdus. Parmi ces lettres, cinq sont inédites, vingt ne nous étaient connues que par des fragments généralement altérés, les sept autres nous donnent un texte plus pur que le texte publié en 1880.
Les archives de la Mission possèdent deux anciens registres de copies, que nous appellerons, pour les distinguer, registre i et registre 2. Le registre i est cartonné et mesure 840 millimètres sur 220. Ces mots italiens ajoutés en première page : Copie di lettere n" cento settantotto- 1 j 8-scritte da San Vincen\o di Paoli portate da Parigi Vanno 1792, nous font con- naître le nombre de lettres qu'il contenait quand il était complet. La disparition du dernier ou des der- niers feuillets a réduit ce nombre à cent soixante-qua- torze, La cent soixante-quinzième lettre termine le soixante-douzième feuillet et se continuait sur le soixante-treizième, que nous n'avons plus.
— XXI —
Un portrait de saint Vincent, au-dessous duquel sont écrits les mots Sanctus Vincentius a Paulo, Con- g7^egationis Missionis et Piiellarum Cluritatis fiinda- tor, a été ajouté en tète du recueil. Le manuscrit lui- même pourrait bien être du dix-septième siècle. L'écriture, sans être belle, est lisible. Les lettres sont données dans leur entier. Les mentions signée^ non signée^ olographe"-''^ minute de la main, montrent que le copiste a eu sous les yeux les documents originaux eux-mêmes ou leurs minutes. On ne trouve dans son recueil aucune lettre à des prêtres de la Mission. Quatre sont adressées à la reine de France, trois à la reine de Pologne, deux au Pape, deux à Mazarin, une au nonce, neuf à des cardinaux, vingt-trois à des évêques, sept à la duchesse d'Aiguillon, une à Tu- renne, une à Louise de Marillac, cinq à des Filles de la Charité, onze à Mademoiselle du Fay, onze à des religieuses de la Visitation, deux à Philippe-Emma- nuel de Gondi, deux à Louis de Chandenier, etc. Autant qu'on peut en juger par les treize lettres du registre dont les originaux sont venus jusqu'à nous, nous pouvons nous fier complètement à l'exactitude du texte. Toutes les lettres de ce recueil ont paru en 1880, sauf une.
Nous lisons dans la vie manuscrite de René Aimé- ras, successeur de saint Vincent: « On ne peut expri- mer le soin qu'il a pris de suivre pas à pas les senti- ments de ce premier supérieur. Non content d'avoir fait mettre en lumière sa vie, où sont décrites les qua-
25. Ce mot ne s'emploie plus de nos jours que pour les testaments.
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lités de sa conduite, il a cru les devoir déplus recher- cher dans ses lettres, où il semble qu'il a comme grave' son esprit, ses maximes et son caractère sur une infinité de sujets, parlant à toutes sortes de personnes. A cette fin, il en a fait faire des extraits et les a liés dans i3 ou 14 mains de papier... Et afin que ceux qui lui succéderaient dans la conduite de la Compagnie pussent aussi profiter de ces mêmes lettres et en tirer plus facilement les instructions dont ils auraient besoin, il les fit aussi ranger, quelques mois avant sa mort, selon les diverses matières et transcrire proprement dans de gros livres reliés, comme un précieux trésor pour la Com- pagnie. »
Ces extraits furent classés sous quinze titres:
i" Institution, perfection, gouvernement et emplois de la congrégation de la Mission en général;
2" Ordres et avis donnés aux visiteurs et aux supé- rieurs;
3" Avertissements, encouragements et congratula- tions à des particuliers;
4° Missions dans les pays chrétiens et chez les infidèles;
b" Séminaires et autres fonctions de l'Institut;
6° Pratique de quelques vertus ;
7" Défunts de la Compagnie;
8" Lettres de consolation aux externes dans l'affliic- tion ;
9° Reconnaissance envers les amis et bienfaiteurs ;
10* Conseils donnés et bonnes œuvres suggérées même à des personnages éminents ; [ 1° Affaires diverses ;
— XXIII —
12' Lutte contre le jansénisme;
13' Assistance des pauvres;
14° Conduite des Filles de la Charité;
iS" Conduite des religieuses de la Visitation.
Le tome I est le seul que nous ayons. Il n'épuise que les trois premières parties de ce vaste programme. Nous l'appellerons registre 2. Sa hauteur est de 370 millimètres et sa largeur de 270. Il comprend trois cent cinquante pages et nous donne cinq cent quarante-neuf fragments, ou plutôt cinq cent qua- rante-huit, car l'un d'eux est en double. Plus de cent de ces fragments font partie de lettres dont nous avons de par ailleurs le texte entier. Si l'on en excepte une vingtaine, tous sont extraits de lettres adressées à des membres de la congrégation de la Mission. L'écriture, belle et régulière, se lit avec la plus grande facilité. Le copiste ne reproduit jamais le mot Monsieur au début des lettres, ni la formule initiale habituelle au saint. 11 ne s'est pas cru tenu de copier servilement l'original. Il arrange d'ordinaire la pre- mière phrase de ses extraits de manière à lui enlever toute dépendance de la partie qu'il omet, modernise des mots, supprime des longueurs. Ses modifications toutefois n'offrent pas grande importance, et dans l'ensemble son texte est bien celui de l'original. Pour qu'on puisse s'en faire une idée, voici, dans la lettre 91, le passage qui a été le plus altéré :
Texte du registre 2. — // me fit donc l'honneur de me dire qu'il avait conféré avec Messieurs ses reli- gieux touchant notre manière de faire au chœur, le logement et l'ameublement et la pension que donne-
I
— XXIV —
raient ceux qui vouduciient vivre parmi nous. Or, pout^ce dernier chef^ qui est que chacun de Messieurs les religieux ne paiera que 200 livres de pension, je vous dirai. Monsieur^ que j'acquiesce très volontiers à cela, quoique ayant supputé la dépense ^« fur que les choses valent à présent, il nous en coûtera davan- tage, et que les pensions même des écoliers sont de cS'o écus.
Vrai texte. — Mondit sieur le prieur me fit donc l'honneur de me dire hier au soir, qu'il avait conféré avec Messieurs ses religieux touchant notre manière de faire au chœur, le logement et ameublement et la pension que donneraient ceux qui voudraient vivre parmi nous. Or, je vous dirai que, pour la deiniière difficulté^ qui est que chacun de Messieurs les reli- gieux ne payera que 200 livres de pension, que j'ac- quiesce très volontiers à cela, quoique ayant supputé la dépense au juste de ce qu il nous a coûté à présent, il nous en coûtera davantage, et que les pensions même des écoliers sont de po livides.
Quelque peu importantes que soient ces altérations, il est regrettable que le copiste les ait faites. Son excuse est qu'il vivait au dix-septième siècle, qui n'avait pas, comme le vingtième, le souci d'une exactitude minutieuse et que la plupart de ses con- temporains se montraient moins scrupuleux que lui. Nous empruntons au registre 2 huit fragments iné- dits.
Le manuscrit 1292 de la Bibliothèque municipale d'Avignon est ainsi décrit dans le catalogue: « Dix- huitième siècle, papier, 94 feuillets, 262 sur 190 mil- limètres, reliure peau chamoisée. » Il a pour titre :
— XXV —
Lettres choisies du Vénérable Vincent de Paul, insti- tuteur et premier Supérieur Général de la... Congré- gation de la Mission. Ces lettres ou plutôt ces extraits de lettres, au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, aux- quels s'ajoutent en supplément dix autres fragments, sont rangés en huit groupes, suivant l'enseignement qu'ils contiennent:
1° Confiance en Dieu et abandon à la Providence;
2° Persévérance dans sa vocation ;
3° Régularité et perfection;
4° Soin de la santé et charité envers le prochain;
5" Soin des malades, support mutuel et union ;
6" Courage de surmonter ses propres inclinations pour la gloire de Dieu;
7" Confiance en Dieu et défiance de soi-même ;
8" Oraison, reconnaissance.
Presque tous les fragments du manuscrit d'Avignon se trouvent dans le registre 2, et ils s'y trouvent avec les mêmes variantes. Parmi les trois fragments qui font exception, deux sont connus de par ailleurs. Nous n'emprunterons donc à ce manuscrit qu'un seul extrait, déjà publié dans le recueil de i88o.
Le manuscrit d'Avignon représente une famille de manuscrits assez répandus avant 1792 dans les mai- sons des prêtres de la Mission. Il nous en reste deux autres spécimens.
L'un d'eux est le manuscrit 20 de la Chambre des députés : dix-huitième siècle, papier, cent quarante- trois pages, 200 millimètres sur 146, reliure basane. Même titre, mêmes divisions, même groupement des lettres, réduites ici à soixante-quinze. On y trouve de plus copie de la prétendue sentence de mort portée
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contre Notre-Seigneur par Pilate et un supplément de vingt-trois fragments qui lui sont propres, tous relatifs à la Compagnie des Filles de la Charité, dont cinq sont restés inédits.
L'autre manuscrit est à la Maison-Mère des prêtres de la Mission. Il est cartonné, de la seconde moitié du dix-huitième siècle, contient soixante-quatorze fragments en cent vingt-deux pages et mesure 217 millimètres sur i5o. Il s'arrête à la sixième par- tie, dont il ne donne qu'une lettre ou plutôt un frag- ment de lettre. En somme, copie inachevée du ma- nuscrit d'Avignon, sans rien de spécial.
Le manuscrit 86g de la Bibliothèque de Lyon a pour titre : Livre contenant l'abrégé de la vie des prêtres^ clercs et frères de la Congi^égation de la Mission qui ont vécu et qui sont morts dans la pratique des vertus convenables à leur vocation. Dans ce recueil, où l'on trouve tout au long les notices de René Aimeras, d'Edme Jolly et de Jean-Baptiste Anselme, prêtres de la Mission, une place a été faite à la correspon- dance de saint Vincent. Les Extraits des lettres de saint Vincent vont du folio 168 au folio 196. Ils con- tiennent l'éloge des missionnaires récemment décé- dés. Quelques-uns de ces fragments n'ont pas encore été publiés. On les trouve aussi à la Bibliothèque du musée Calvet d'Avignon, dans le manuscrit 774 De- landine, qui reproduit tout le contenu du manuscrit de Lyon et quelques documents en plus. Les deux manuscrits sont du dix-huitième siècle. Celui de Lyon est relié en parchemin et se compose de deux cent quatre-vingt-six feuillets mesurant 260 millimètres sur 90.
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Les archives départementales de Vaucluse pos- sèdent un registre in-4° de trente-sept feuillets, coté D 274, qui contient quarante-deux extraits de lettres de saint Vincent, lettres adressées pour la plupart aux supérieurs de Rome. Il ne se trouve dans ce ma- nuscrit rien que nous ne connaissions par d'autres sources.
Le manuscrit de Marseille, que nous nommons ainsi à cause de son titre : Extraits des lettres de saint Vincent de Paul déposées dans les archives de la Mis- sion de France à Marseille^ appartient à la Maison- Mère des prêtres de la Mission. C'est un simple cahier de dix-sept pages, sur lequel ont été transcrits, dans leur ordre chronologique ou à peu près, proba- blement à l'occasion de l'ouvrage de M. Pémartin, peu après sa publication, soixante-quatre frag- ments, généralement courts, de lettres adressées en très grande partie à Firmin Get. Il nous a été impos- sible de retrouver le document que le copiste a eu sous la main. La conformité du texte constatée pour les extraits des lettres dont nous possédons l'original, garantit l'exactitude de l'ensemble. Vingt de ces frag- ments seront publiés ici pour la première fois.
Les Filles de la Charité de la paroisse Saint-Paul à Paris possédèrent jusqu'en 1814 un recueil in-folio de quatre-vingt-huit pages, écrit dans la seconde moitié du dix-septième siècle et intitulé: Extraits de Lettres de feu Monsieur Vincent et feu Mademoiselle Le Gras. Les lettres du saint y sont représentées par plus de cent fragments, celles de sa fille spirituelle par sept seulement. L'écriture n'est pas toujours la même; on reconnaît à la page 7 celle de Julienne Loret, une
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des principales collaboratrices de la fondatrice. Les extraits sont séparés assez souvent par un léger espace blanc ou par un simple alinéa. Il est parfois difficile de les distinguer entre eux, et il se pourrait qu'une fois ou l'autre, faute d'indication suffisante, nous ayons rattaché à une même lettre des extraits de lettres différentes, ou inversement. Le manuscrit fut donné en 1814 à Dominique-François Hanon, vicaire général de la Congrégation de la Mission. Il est allé enrichir depuis les archives de la Maison- Mère des sœurs. Nous lui ferons une quarantaine d'emprunts.
* *
Acôtédes recueils manuscrits se placent les recueils imprimés et les ouvrages anciens qui ont mis large- ment à contribution la correspondance du saint. Il convient de placer en première ligne la Vie du Véné- rable Serviteur de Dieu Vincent de Paul-^ par Louis Abelly. Nombreuses sont les lettres de saint Vincent citées ou simplement signalées par son premier bio- graphe. On en compte un peu plus de deux cents, parmi lesquelles cent environ figurent dans le recueil de M. Pémartin. Comme la plupart des écrivains de son temps, Abelly ne s'est pas fait scrupule de retou- cher les textes qu'il cite, sous prétexte d'en améliorer le style ou de les rendre plus clairs. Du moment que la pensée était respectée, on trouvait tout naturel que
26. Paris, 1664, 3 t. in-4°en un vol. C'est toujours à cette édition que nous nous référerons, parce que les autres éditeurs ont plus ou moins retouché les citations d'Abellv.
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les imperfections de l'expression fussent écartées. Malheureusement le mauvais goût rendait souvent l'expression plus défectueuse, au lieu de l'améliorer, et la pensée à laquelle on prétendait ne pas toucher, souffrait parfois de ces changements.
Abelly remplace des mots, intercale de petits com- mentaires, modifie des tournures. Sous sa plume prédicaffient devient réputation-'' ; hoiiunes de bien^ honnêtes hommes -^ ; vous ave^ mille raisons^ vous ave^ tout sujet -^ ; gaillards^ ceux qui seraient trop libres^^ ; dépots,j!oris.sants en pi été ^^. Ah tWy se plaît à accentuer la note pieuse des expressions du saint. Ainsi il écrit : ces saints jours au lieu de ces jours^-; le très saint Sacrement au lieu de le saint Sacrement 3^.
La concision de saint Vincent lui semble parfois nuire à la clarté; il y remédie en allongeant la phrase. En voici quelques exemples :
27. Abelly, o-p. cit., t. III, chap. xxiv, sect. I, p. 348, et lettre du 6 août 1657 à Honoré Bélart.
28. Abelly, of. cit., t. II, chap. xii, p. 4i5, et lettre du 4 octobre 1646 au cardinal Grimaldi.
29. Abelly, op. cit., t. III, chap. xxii, fin, p. 325, et lettre du 27 juin i6bo à une religieuse de la Visitation.
30. Abelly, o-p cit., t. II, chap. IX, p. 35i, et lettre d'octobre i658 à Louise de Marillac.
3i. Abelly, t. II, chap. I, sect. Il, § 3, p. 3i, et lettre du 25 juillet 1634 à François du Coudray.
Autres exemples de mots et d'expressions échangés : braycs (lettre du 24 juillet 1607 à M. de Cometj et calerons (Abelly, op. cit., t. I, chap. IV, p. i5); cruelles (lettre du 29 février 1660 à Anne-Marie Bol- lain) et pleines d'angoisse (Abelly, t. II, ch. VII, p. 33o) ; sollicitude (lettre du 18 juillet 1659 à Antoine Durand) et vigilance (Abelly, t. III, ch. XXIV, p. 337); vigilance [ibid.) et jerveur {ibid.)\ avec sujet (lettre du 18 juillet 1659 à Antoine Durand) et non sans raison (Abelly, t. III, ch. XXIV, p. 337) ; consommer ses jours (lettre du 27 février 1660 à Firmin Get) et se consumer (Abelly, t. III, chap. xxi, fin, p. 314); conservez-vous (lettre du 3o décembre i63b à Louise de Marillac) et ménagez votre santé (Abelly, t. I, chap. XXIX, p. i35).
3a. Abelly, t. I, chap. xxiv; p. ii3, et lettre i38 à Louise de Marillac.
^^. Abelly, t. II, ch. IX, p. 35i et lettre 354 ^ Louise de Marillac.
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Vrai texte. — Oh! certes^ c'est une illusion^^.
Abelly. — Oh! certes, si vous avie^ cette pensée ^ vous vous tromperie^ grandement, et ce serait une pure illusion 3^.
Vrai texte. — Qu'elles iront la tête levée au jour du jugement"^^ !
Abelly. — Mais ai^ec quelle sainte confiance paraî- tront-elles au jour du juge?nent après tant de saintes œuvres de charité qu elles auront exercées^"^ !
Vrai texte. — Aye\ pitié de nous^^.
Abelly. — ^y^\ do?ic pitié de nous et nous vene^ donner la niai?i pour nous tirer du mauvais état oii nous sommes^^.
Assez souvent la phrase de Vincent de Paul est plus alerte, plus vive, plus française que celle que lui prête son biographe. Le saint écrit à Louise de Marillac^^: « Oh! quel arbre vous avez paru aujour- d'hui aux yeux de Dieu, puisque vous avez produit un tel fruit ! » Nous ne voyons pas pourquoi à ces mots Abelly a substitué les suivants ^^r « Oh! que vous avez paru aujourd'hui devant les yeux de Dieu
34. Lettre 69.
35. Abelly, t. III, chap. viii, sect. i, p. 77.
36. Lettre 354.
37. Abelly, t. II, chap. IX, 35o.
38. Lettre du 25 juillet 1634 à François du Coudray.
39. Abelly, t. II, chap. i, sect. 11, § 3, p. 3i. Nous trouvons encore : Cette femme, comme un autre Caïfhe ou comme lânesse de Balaam (Abel- ly, t. I, chap. IV, p. 17) au lieu de cet autre Caïfhe ou ânesse de Balaam (lettre du 24 juillet 1607 à M. de Cornet) ; Vous avez une très grande horreur de tout ce qui fourrait dé flaire à Dieu (AhsWy, t. III, chap. xxii, fin, p. 326) au lieu de Vous le haïsses trof (lettre du 27 juin 1660 à une religieuse de la Visitation).
40. Lettre 27.
41. Abelly, of cit., t. I, chap. xxiii, p. io5.
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comme un bel arbre, puisque, par sa grâce, vous avez produit un tel fruit ! » Saint Vincent continue : « A jamais puissiez-vous être un bel arbre de vie pro- duisant des fruits d'amour ! » N'est-ce pas mieux que : << Je supplie qu'il fasse par son infinie bonté que vous soyez à jamais un véritable arbre de vie qui pro- duise des fruits d'une vraie charité ! » Nous lisons dans une lettre à François du Coudray *^ : « Tout le monde est-il en bonne disposition? Chacun est-il bien gai?» Abelly a préféré ^^ : « Chacun est-il en bonne dispo- sition et bien content? »
Quelques altérations de texte proviennent de fautes de lecture. C'est sans doute pour n'avoir pas su déchiffrer l'écriture de saint Vincent que le premier biographe a lu songe:{ pour soj^e:{^^.
Parmi les trente fragments environ dont nous avons pu contrôler le texte, il n'en est pas un qui nous soit donné dans sa pureté parfaite ; plusieurs même sont presque méconnaissables *^ tant ils ont subi de retouches.
Dans sa Vie de saint Vincent de Paul ^ Pierre Collet utilise souvent, lui aussi, les écrits du saint. Il cite ou signale plus de deux cent cinquante lettres. Ses citations, moins fréquentes et en général moins éten dues que celles d'Abelly, se retrouvent presque toutes dans le premier biographe, assez souvent avec les
42. Lettre du i5 septembre 1628.
43. Abelly, t. II, chap. i, sect. I, § 4, p. 18.
44. Abelly, t. I, chap. xxiv, p. ii3, et lettre 71.
45. Comparer en particulier Abelly, t. II, chap. i, sect. VII, § i, p. 96, et la lettre du 6 septembre 1646 au frère Jean Barreau; t. III, chap. viii, sect. I, p. 77, et la lettre 69 ; t. III, chap. viii, sect. II, p. 83, et la lettre 5o.
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mêmes altérations**^. Quand il a directement recours à l'original, ce n'est pas pour en donner le mot à mot. Peut-être toutefois prend-il avec le texte moins de liberté qu'Abelly.
En i834, Gossin, avocat à la cour royale de Paris, publia sur les originaux, dans un livre intitulé Saint Vincent de Paul peint par ses éa^its^'^^ soixante-seize lettres du saint, la plupart adressées à Louise de Marillac, et une supplique au Parlement. Il conserve l'orthographe primitive, place les lettres datées dans leur ordre chronologique et donne le nom des posses- seurs des originaux qu'il a mis à profit. Quoique très incomplet, ce travail serait excellent si l'auteur avait su mieux lire l'écriture de saint Vincent. Les noms propres en particulier sont complètement déna- turés. Qui reconnaîtrait Goussault, Laurent, Sous- carrières, de Herse, Mussot, Romilly, Fortia, de Brou, Pascal, Pillé, d'Authier dans Toustain, Lun- veni, Souharries, Bierse, Mussut, Clomilly, Foren, Bron, Fasral, Filé et Autin ? Qui ne demeurerait surpris de lire dans la correspondance du saint des phrases du genre de celle-ci : <( Faites... bien entendre... à votre tour que je suis en témoin de Notre-Seigneur*^?)) Remplacez tour par cœur, témoin par rameur, et vous aurez ce qu'a écrit le saint. Quelque nombreuses que soient ces fautes de lec- ture, il est presque toujours facile à qui connaît bien
46. Comparer Abelly, t. III, chap. xxiv, sect. I, p. 3^8, Collet, op. cit., t. Il, p. 3o8, et la lettre du 6 août 1657 à Honoré Bélart ; Abelly, t. m, chap. 11, vers la fin, p. 8, Collet, t. Il, p. 107, et la lettre du 7 février 1641 à Louise de Marillac.
47. Paris, in-i2.
48. P. 5oo. C'est la lettre 199 de notre recueil.
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la manière et l'histoire de saint Vincent, de reconsti- tuer le texte véritable. Gossin a fait œuvre bonne et utile. Notre recueil lui doit plusieurs lettres, que nous n'avons trouvées nulle part ailleurs.
A peine élu supérieur général de la Congrégation de la Mission, M. Jean-Baptiste Etienne comprit que son devoir était de mettre à la disposition des mission- naires et des Filles de la Charité les discours et les écrits de saint Vincent, afin que, mieux instruits par cette lecture des enseignements de leur saint fonda- teur, ils se remplissent plus parfaitement de son esprit et conforment davantage leur conduite à la sienne. Il fit autographier en 1844 un recueil in-4 de cinq cent quatre-vingt-cinq pages: Collectioji des con- férences de saint Vincent^ de plusieiœs de ses lettres et de quelques conférences de M. Aimeras. Toutes ces lettres, sauf une, ont été choisies dans la correspon- dance du saint avec ses missionnaires. 11 y en a soixante et onze, placées sans ordre. Ce ne sont, le plus souvent, que des extraits.
L'année suivante paraissaient cent vingt-six lettres, plus ou moins complètes, dans un ouvrage édité à Paris sous ce titre : Conjérences spirituelles tenues pour les Filles de la Charité par saint Vincent de Paul^\
Cette publication fut suivie dix ans après du Recueil des diverses Exhortations et Lettres de saint Vincent aux Missionnaires, qui contient près de sept cents lettres ou fragments de lettres autographiés. Là encore l'éditeur ne s'est laissé guider par aucune
49. Paris, 10-4».
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préoccupation historique : pas de notes, pas d'ordre chronologique, un texte assez souvent retouché et par suite défectueux, parfois des lettres composites, qui, sous apparence d'unité, sont composées en réa- lité de phrases empruntées à des lettres différentes. Un recueil de cette nature a son utilité; il ne saurait suffire. Les lettres de saint Vincent ne sont pas seu- lement un aliment pour la piété ; elles sont aussi des documents pour l'histoire. Les érudits appelaient de leurs vœux un recueil complet de lettres entières, fidèlement reproduites et classées dans le seul ordre qui convienne à l'histoire, l'ordre chronolo- gique.
Un compatriotedusaint, M. Jean-Baptiste Pémartin, secrétaire général de la Congrégation de la Mission, voulut lui-même entreprendre le travail, malgré les nombreuses occupations de sa charge. Il recueillit deux mille quarante et une lettres^*^, qui remplissent
5o. Nous disons 2041 lettres, bien que la dernière porte le numéro 2078, parce que l'éditeur mêle aux lettres du saint huit documents qui n'en sont pas (5, 7, 286, 34r, 945, 1014, 1370, 1947), répète onze lettres (comparer 186 plus 187 et S64, 334 ^^ 492, 469 et 480, 671 et 1966, 375 et 922, 179 et 932, 83 et ii3o, 1467 et 1936, 722 et 1994,659 et 1995, 472 et 2o65), avec des fragments de seize autres fait trente-quatre lettres distinctes (348, 35o et 35i appartiennent à une même lettre; de même 46 et 117, 172 et 173, 24 et 322, 357 et 359, 389 et 390, 186 et 187, 704 et 7i3, 170 et 769, 845 et loio, 677, 876 et 877, 1347 et iSSg. 958 et 1049, i023 et 1026, 1046 et 1047, 1999 et 2001).
L'éditeur a bien fait de ne pas insérer dans son recueil la lettre que le chanoine Maynard [Saint Vincent de Paul, 3» édition, Paris, 1886, t. I, p. 83) prête gratuitement au saint récemment sorti de Clichy pour entrer dans la famille des Gondi : « Je m'éloignai tristement de ma petite église de Clichy, mes yeux étant baignés de larmes, aurait écrit le saint prêtre, et je bénis ces hommes et ces femmes qui venaient vers moi et que j'avais tant aimés. Mes pauvres y étaient aussi, et ceux-là me fendaient le cœur. J'arrivai à Paris avec mon petit mobilier et je me rendis chez M. de BéruUe. » Cet extrait est d'un style qui ressemble fort peu au style de saint Vincent; d'autre part, Maynard, qui seul nous le fait connaître, ne donne aucune référence.
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quatre volumes in-8, imprimés à Paris, en 1880, chez Pillet et Dumoulin.
Les Letti^es de saint Vincent de Paul eurent un suc- cès mérité auprès des deux familles religieuses de ce grand saint, auxquelles l'ouvrage était exclusivement destiné. Il fut connu et désiré au dehors, et c'est pour répondre aux nombreuses demandes qui lui furent adressées que M. Pémartin fit choix de huit cent soixante lettres parmi celles qu'il venait d'éditer, et les livra au public en i882 5i-
L'ouvrage de 1880 suppose des recherches considé- rables et marque un progrès sérieux sur les recueils antérieurs. Il présente toutefois bien des lacunes et beaucoup d'inexactitudes.
La découverte de documents nouveaux permet aujourd'hui de compléter ou de rectifier des lettres puisées à des sources moins complètes et moins sûres. Les dates attribuées par M. Pémartin aux lettres non datées par saint Vincent sont le plus souvent fautives. On exige avec raison de nos jours que les dates, les mots, les phrases ajoutés par l'éditeur à des textes incomplets tirés de documents détériorés par les mites, l'humidité ou une déchirure soient placés entre crochets. Dans le recueil de 1880 rien ne les distingue.
L'annotation n'est pas assez abondante. Le lecteur aimerait savoir si le texte suivi par l'éditeur est un original, une minute ou une copie, et, quand c'est un original, si l'écriture est du saint ou de ses secrétaires. Il- y aurait intérêt à lui dire, en signalant les mots raturés ou en donnant les rédactions différentes,
Si. Lettres de saint Vincent de Paul, Paris, Dumoulin. 2 vol. in-8.
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quand il s'en trouve, par quelles phases successives est passe'e la pensée ou l'expression du saint. Un mot d'explication sur les événements ou les personnages dont il est question dans les lettres, l'aiderait à mieux connaître le milieu dans lequel vivait Vincent de Paul et parfois à mieux saisir le sens de sa phrase.
Le recueil de 1880 aurait gagné à être conçu sur un plan plus vaste. Il est des lettres de saint Vincent dont nous ignorons le texte, mais dont Abelly. Col- let ou d'autres nous résument le contenu; pourquoi ne pas les mentionner? Pourquoi ne pas accompa- gner les lettres qu'il a écrites de celles qu'il a reçues? Celles-ci éclairent celles-là.
Enfin des recherches patiemment poursuivies ont amené de fructueuses découvertes. M. Pémartin écri- vait dans sa préface : » Si incomplète que soit cette collection quand on la compare à ce qui a péri, on n'a négligé aucun moyen de l'enrichir^, et il reste désormais peu de chances de Taccroître d'une manière notable. » Affirmation téméraire, car il est déjà pos- sible d'ajouter plusieurs centaines de lettres inédites à son recueil.
Un supplément aux lettres de saint Vincent publié en 1888 en contient plus de cent nouvelles^-. Quelques
Sa. Lettres et Conférences de saint Vincent de Paul [Sufflémcnl). Paris, in-8. La première lettre du Suf-plément porte le numéro 2079, la der- nière le numéro 3i36. Il s'en faut toutefois que nous ayons mille cin- quante-sept lettres. L'éditeur passe par distraction du numéro 2099 au numéro 3ooo. Ajoutons que six documents ne sont pas des lettres (2128, 3oo5, 3046, 3o65, 3107, 3i3i), que onze lettres ont déjà leur place dans le recueil de 1880 (cf. 2082 et i32. 2084 et 23i , 2094 et 1627, 2091 et 116. 3oi8 et 46 plus 117, 3042 et 840. 3o35 et 45o, 3o54 et 952, 3089 et 1570, 3iio et 1681, 3117 et 1968) et que huit lettres sont de simples fragments complémentaires de lettres publiées en par- tie dans ce même recueil (2092 et 66, 3027 et 396, 3o28 et 408, 3o3i et 420, 3047 et 610, 3io2 et i326, 3104 et 1340, 3127 et 2072).
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lettres inédites ont paru vers 1889, le plus souvent d'après les originaux, dans un recueil autographié, composé exclusivement des lettres du saint à Louise de Marillac, au nombre de trois cent dix-huit ^3_ Dq^ extraits de lettres, tous empruntés à l'ouvrage de M. Pémartin et relatifs à la fondatrice ou aux œuvres des sœurs, sont ajoutés en appendice. La sœur de Geoffre, Fille de la Charité, à qui a été confié ce travail, l'a fait avec tout son cœur et toute son intel- ligence, et c'est justice de dire qu'elle l'a bien réussi.
Après quarante ans, le moment semble venu de reprendre l'œuvre de M. Pémartin pour lui donner plus d'étendue, plus d'ordre, plus d'exactitude, et pour l'adapter aux exigences de la critique moderne.
La conservation de l'orthographe des documents aurait présenté, nous semble-t-il, plus d'inconvé- nients que d'avantages ; nous avons préféré la moder- niser pour rendre la lecture de l'ouvrage plus acces- sible au public et éviter la diversité d'orthographes qui existe entre les lettres écrites par saint Vincent et par ses secrétaires, entre les originaux et leurs copies. La moitié environ des lettres qui forment ce recueil sont empruntées à des copistes de la fin du dix- septième siècle ou de plus tard. Pourquoi conser- ver leur orthographe, qui n'est ni celle du document original, ni la nôtre? Par rajson d'uniformité et de clarté, les derniers éditeurs de la correspondance de Bossuet ont été amenés à laisser de côté l'ortho- graphe du grand orateur; nous les imiterons.
Les lettres de saint Vincent seront suivies de ses
53. Lettres de saint Vincent de Paul adressées à Mademoiselle Le Gras, m-4.
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entretiens, et les entretiens des documents principaux relatifs à sa vie et à ses institutions. L'œuvre que nous entreprenons est considérable; nous «avons Tes- poir qu'elle sera utile : aux érudits d'abord, qui trou- veront dans ces pages beaucoup de renseignements nouveaux; aux futurs biographes du saint, auxquels elle évitera de longues et souvent vaines recherches; enfin à tous nos lecteurs, car saint Vincent est de ces hommes que Ton estime et que l'on aime davantage quand on les connaît plus parfaitement; or, l'estimer et l'aimer, n'est-ce pas déjà se sentir porté à l'imiter?
XX^dx
ABRÉVIATIONS ET REMARQUES
L. a., lettre autographe, c'est-à-dire en son entier de la main de saint Vincent de Paul.
L. s., lettre signée, c'est-à-dire écrite par un secrétaire et signée par saint Vincent de Paul.
L'introduction indique ce que signifient les expressions Reg [istre] i, Reg [istre] 2 et donne des détails circonstanciés sur les autres sources.
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SAINT VINCENT DE PAUL
CORRESPONDANCE
1 — A MONSIEUR DE COMET
Monsieux,
L'on aurait jugé, il y a deux ans, à voir l'apparence des favorables progrès de mes affaires, que la fortune ne s'étudiait, contre mon mérite, qu'à me rendre plus
Lettre 1. — L. a. — L'original, d'une écriture fine et serrée, comprend trois pages in-40. San histoire mérite d'être connue. Il passa, avec l'original de la lettre qui suit, des mains de M. de Co- rnet dans celles de Catherine de Cornet, épouse de Jean de Saint- Martin. Saint-Martin d'Agés, leur fils, les trouva en 1658 en dépouil- lant les papiers de famille. Heureux de sa découverte, il les porta au chanoine de Saint-Martin, son oncle, ami intime du saint. Quel plaisir va éprouver M. Vincent en lisant ces pages ! pensa le bon cha- noine ; et aussitôt il en fit prendre copie pour son illustre ami. Les copies ne lestèrent pas longtemps aux mains de saint Vincent ; après les avoir lues, il les brûla. En levant le voile qui cachait deux an- nées de sa jeunesse, les plus tragiques et les plus glorieuses à la fois, la révélation de ces documents était de nature à blesser sa profonde humilité. Sa lettre de remerciement fut aussi une lettre de suppli- cation. Il demanda instamment à M. de Saint-Martin de lui en- voyer les originaux. Le frère Ducournau, son secrétaire, qui tenait la plume, prévint le chanoine de Dax du danger que courraient les précieux manuscrits s'ils venaient à tomber entre les mains du saint, et il lui conseilla de les adresser à Jean Watebled, supérieur du col- lège des Bons-Enfants. Ainsi fut fait. (Abelly, of. cit., t. I, chap. IV, p. 17.)
Jean Watebled communiqua les lettres à Antoine Portail. René Aimeras, Thomas Berthe, Jean Dehorgny, le frère Ducournau, d'au- tres peut-être en prirent connaissance. Inutile de décrire leur éton- nement et leur joie. Ces pages étaient une révélation pour eux. On était au mois d'août 1658. Le frère Ducournau s'empressa de remercier le chanoine de Saint-Martin. Le saint attendit longtemps les (irigi- naux qu'il avait demandés. Le 18 mars 1660, sentant sa fin prochaine, il renouvela ses instances par une lettre que nous publierons plus loin.
Les deux lettres à M. de Cornet restèrent dans les archives de
envié qu'imité '■ ; mais, hélas ! ce n'était que pour repré- senter en moi sa vicissitude et inconstance, convertis- sant sa grâce en disgrâce et son heur en malheur.
Vous avez pu savoir. Monsieur, comme trop averti de mes affaires, comme je trouvai, à mon retour de Bordeaux ', un testament fait à ma faveur par une bonne femme vieille de Toulouse, le bien de laquelle consistait en quelques meubles et quelques terres, que la chambre mi-partie de Castres^ lui avait adjugés pour trois ou
Saint-Lazare jusqu'en 1789 ou 1791. Elles furent volées lors du pil- lage ou confisquées deux ans après avec les autres biens. Comment la première de ces lettres vint-elle aux mains de Pelletier de Saint- Fargeau, puis de srn collègue Carnot ? Nous ne savons. Le 31 janvier 1854, elle figurait à une vente d'autographes, ainsi que quelques autres lettres de samt Vincent et plusieuis plans de sermons ou dis- cours pour les assemblées des dames de la Charité de l'Hôtel-Dieu. Au mois de mai de la même année, elle est signalée dans un catalo- gue de Laverdet, comme provenant de la collection de M. de La Bouisse-Rochefort, et cotée 500 francs. Laverdet l'échangea contre des manuscrits de Montesquieu. Nous la retrouvons peu après à Fonte- nay-le-Comte dans la collection d'autographes de Madame Joseph Fillon. Benjamin Fillon l'a donnée aux Filles de la Charité qui des- servent l'hôpital de Fontenay. C'est là qu'elle se trouve encore au- jourd'hui, soigneusement enfermée dans un album de prix, qui la pro- tège contre l'usure. Abelly ne l'a pas reproduite tout entière ; il a omis les passages qui lui semblaient peu dignes d'un saint, entre autres ceux qui pouvaient laisser soupçonner chez saint Vincent la croyance à l'alchimie. Firmin Joussemet, neveu de Madame Fillon, l'a publiée intégralement en 1856 dans la Revue des provinces de l'Ouest.
Le destinataire de la lettre est M. de Cornet le jeune. (Cf. Abelly, op. cit., t. I, chap. IV, p. 14.) Nous écrivons Cornet et non Commet pour nous conformer à l'orthographe suivie par le saint et les membres de la famille Comet.
1. Saint Vincent dirigeait alors avec succès à Toulouse un pension- nat très fréquenté.
2. On a conjecturé que le duc d'Epernon avait appelé le saint près dt lui pour lui proposer un siège épiscopal. (Cf. La vie de Saint Vincent de Paul [par Pierre Collet], Nancy, 1748, 2 vol. in.40, t. I, p. 15.)
3. Chambres établies par l'édit de pacification de 1576 dans le parlement de Paris et dans celui de Toulouse, avec résidence à Castres, pour juger des causes dans lesquelles étaient intéressés des réformés ; les catholiques et les protestants y étaient en nombre égal.
quatre cents écus qu'un méchant mauvais garnement lui devait ; pour retirer partie duquel je m'acheminai sur le lieu pour vendre le bien, comme conseillé de mes meilleurs amis et de la nécessité quej'avais d'argent pour satisfaire aux dettes que j'avais faites, et grande dépense que j'apercevais qu'il me convenait faire à la po/ursuite de l'affai^re que ma témérité ne me permet de nommer '\
Etant sur le lieu, je trouvai que le galant avait quitté son pays, pour une prise de corps que la bonne femme avait contre lui pour la même dette, et fus averti comme il faisait bien ses affaires à Marseille et qu'il y avait de beaux moyens. Sur quoi mon procureur conclut (comme aussi, à la vérité, la nature des affaires le requérait) qu'il me fallait acheminer à Marseille, eistimant que l'ayant prisonnier, j'en pourrais avoir deux ou trois cents écus. N'ayant point d'argent pour expédier cela, je vendis le cheval que j'avais pris de louage à Toulouse, estimant le payer au retour, que l'infortune fit être aussi retardé que mon déshonneur est grand pour avoir laissé mes affaires si embrouillées ; ce que je n'aurais fait si Dieu m'eût donné aussi heureux succès en mon entreprise que l'apparence me le promettait.
Je partis donc sur cet avis, attrapai mon homme à ]^Iarseille, le fis emprisonner et m'accordai à trois cents écus, qu'il me bailla comptant ^. Etant sur le point de partir par terre, je fus persuadé par un gentilhomme, avec qui j'avais logé, de m'embarquer avec lui jusques à Narbonne, vu la faveur du temps qui était ; ce que je fis pour plus tôt y être et pour
4. Serait-ce le siège épiscopal proposé, a-t-on dit, par le duc d'Epernon ?
5. Le saint a écrit content ; mais l'orthographe importe peu ; nous pensons que le mot comftant répond mieux à sa pensée.
épargner, ou, pour mieux dire, pour n'y jamais être et tout perdre.
Le vent nous fut aussi favorable qu'il fallait pour nous rendre, ce jour, à Narbonne, qu'était faire cin- quante lieues, si Dieu n'eût permis que trois brigantins * turcs, qui côtoyaient le golfe du Lion pour attraper les barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait foire que l'on estime être des plus belles de la chré- tienté \ ne nous eussent donné la charge et attaqués si vivement que, deux ou trois des nôtres étant tués et tout le reste blessé, et même moi, qui eus un coup de flèche, qui me servira d'horloge tout le reste de ma vie *, n'eussions été contraints de nous rendre à ces félons et pires que tigres, les premiers éclats de la rage desquels furent de hacher notre pilote en cent mille piè- ces, pour avoir perdu un des principaux des leurs, outre quatre ou cinq forçats que les nôtres leur tuèrent. Ce fait, nous enchaînèrent, après nous avoir grossièrement pansés, poursuivirent leur pointe, faisant mille voleries, dormint néanmoins liberté à ceux qui se rendaient sans combattre, après les avoir volés. Et enfin, chargés de marchandise, au bout de sept ou huit jours, prirent la route de Barbarie, tanière et spélonque ® de voleurs,
6. Les bfigantins étaient alors de petits navires pontés, de la famille des galères, ne gréant qu'une seule voile, ayant de huit à seize bancs à un seul rameur et aux rames larges et minces.
7. Beaucaire était le marché central des produits venus du Levant. La foire s'ouvrait chaque année le 22 juillet et amenait dans cette ville, de Marseille, Cette, Aiguës- Mortes et d'ailleurs, un nombre incal- culable de barques. Au départ, les barques qui prenaient la direction de la mer s'escortaient entre elles ou se faisaient accompagner par les galères pour se protéger en cas d'attaque. Les pirates levantins ou barbaresques guettaient leur passage, placés à l'affût le long des côtes, non loin des embouchures du Rhône. (Cf. Théodore Fassin, Essai historique et juridique sur la foire de Beaucaire, Aix, 1900, in-80 ; Abel Boutin, Les traités de faix et de commerce de la France avec la Barbarie, t'^i'^-tS^o, in-8°, Paris, 1902 )
8. Le saint souffrait de sa blessure aux changements de temps.
9. Du mot latin sfelunca, caverne.
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sans aveu du Grand Turc, où étant arrivés, ils nous c.\ posèrent en vente, avec procès- verbal de notre cap- ture, qu'ils disaient avoir été faite dans un navire espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le roi tient de delà pour rendre libre le commerce aux Français ^°.
Leur procédure à notre vente fut qu'après qu'ils nous eurent dépouillés tout nus, ils nous baillèrent à chacun une paire de braies ^\ un hoqueton i^ de lin, avec une bonnette, nous promenèrent par la ville de Tunis, où ils étaient venus expressément pour nous vendre. Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la ville, la chaîne au col, ils nous ramenèrent au bateau, afin que les marchands vinssent voir qui pouvait bien manger et qui non, pour montrer comme nos plaies n'étaient point mortelles ; ce fait, nous ramenèrent à la place, où les marchands nous vinrent visiter, tout de même que l'on fait à l'achat d'un cheval ou d'un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour visiter nos dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis tenir des fardeaux et puis lutter pour voir la force d'un chacun, et mille autres sortes de brutalités ^^.
Je fus vendu à un pêcheur, qui fut contraint de se
10. Les Capitulations de 1535, 1569, 1581 et 1604 stipulaient que les corsaires barbaresques respecteraient ia liberté du commerce fran- çais.
11. Braies, culottes.
12. Hoqueton, casaque.
13. Cette description correspond presque trait pour trait à celles que nous ont laissées d'autres esclaves libérés. Abel Boutin résume ainsi leurs témoignages Cof cit., p. 162) : « Durant toute la matinée, il y avait exposition des captifs. Au dire des témoins oculaires, c'était l'heure la plus pénible de la captivité. Entièrement nus, sous les rayons ardents d'un soleil tropical, ils devaient se prêter à toutes sortes d'attouchements de la part des acheteurs. Ceux-ci les palpaient, comme sur nos marchés modernes on palpe bœufs ou chevaux. Ils examinaient leur conformation, la valeur de leury muscles. Ils es-
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défaire bientôt de moi, pour n'avoir rien de si contraire que la mer, et depuis par le pêcheur à un vieillard, médecin spagirique ^^, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu'il me disait, avait travaillé cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale, et en vain quant à la pierre, mais fort heureusement à autre sorte de transmutation des métaux. En foi de quoi, je lui ai vu souvent fondre autant d'or que d'argent ensemble, les mettre en petites lamines, et puis mettre un lit de quelques poudres, puis un autre de lamines, et puis im autre de poudres dans un creuset ou vase à fondre des orfèvres, le tenir au feu vingt-quatre heures, puis l'ouvrir et trouver l'argent être devenu or ; et plus souvent encore congeler ou ûxer de l'argent vif en hn argent, qu'il vendait pour donner aux pauvres. Mon occupation était à tenir le feu à dix ou douze fourneaux ; en quoi, Dieu merci, je n'avais plus ^^ de peine que de plaisir. Il m'aimait fort et se
sayaient leur force. Ils les faisaient marcher, courir ou sauter. Ils regardaient leurs dents, les paumes de leurs mains... »
A Alger, la vente se faisait par l'intermédiaire de courtiers. Ceux- ci faisaient successivement le tour du marché, passant devant les arcades, et énuméraient les qualités, vraies ou fausses, des captifs... Ils terminaient leur harangue par le prix demandé : à tant de fias- ires. Les acheteurs présents enchérissaient, et l'esclave était adjugé au plus offrant et dernier enchérisseur. Mais il y avait aussi des esclaves défectueux, infirmes, malingres ou vieux, qui n'auraient pu trouver acquéreur si on les avait mis individuellement en vente ; alors on faisait un lot d'esclaves, mi-robustes, mi-malingres, et le tout était adjugé selon la règle ordinaire. (A. Boutin, of. cit., p. i66. )
Pierre Dan [Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, 2^ éd., 1649, in-8°, p. 285) évalue à sept mille le nombre des chrétiens en captivité dans la seule régence de Tunis, aux premières années du XVII» siècle. Le maître avait sur son esclave droit de vie et de mort. Il pouvait le garder, le mettre en liberté ou le revendre. L'esclave était sa chose.
14. Les médecins spagiristes expliquaient les changements organi- ques du corps humain en santé et en maladie comme les chimistes de leur temps expliquaient ceux du règne inorganique. Paracelse fut, au xvi® siècle, le fondateur et le chef de cette école.
15. /g n'avais flus, je n'avais pas plus.
plaisait fort de me discourir de l'alchimie et plus de sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m' attirer, me promettant force richesses et tout son savoir.
Dieu opéra toujours en moi une croyance de déli- vrance par les assidues prières que je lui faisais et à la sainte Vierge Marie, par la seule intercession de la- quelle je crois fermement avoir été délivré. L'espérance et ferme croyance donc que j'avais de vous revoir, Mon- sieur, me fit être assidu à le prier de m'enseig-ner le moyen de guérir de la gravelle, en quoi je lui voyais journellement faire miracle ; ce qu'il fit ; voire me fit préparer et administrer les ingrédients. Oh ! combien de fois ai-je désiré ^® depuis d'avoir été esclave aupara- vant la mort de feu Monsieur votre frère et commaece- nas ^^ à me bien faire ^*, et avoir eu le secret que je vous envoie ^^, vous priant le recevoir d'aussi bon cœur que
i6. Ce mot est répété dans l'original.
17. Mécène, favori d'Auguste, fut, de son temps, le protecteur des gens de lettres et en particulier de Virgile et d'Horace.
18. M. de Cornet l'aîné, avocat du présidial de Dax et juge de Pouy, avait eu, ainsi que son frère, le mérite de deviner le jeune Vincent. Jusqu'au jour de son départ pour l'université de Toulouse, celui-ci se laissa conduire par les Cornet, qui, pour accroître ses faibles ressources, lui confièrent un préceptorat dans leur propre famille. Il ne faudrait pas dire toutefois, avec le janséniste Martin de Barcos (Défense de feu Monsieur Vincent de Paul... contre les faux discours du livre do sa vie publiée -par M. Abellv, ancien évêque de Rodez, et contre les impostures de quelques autres écrits sur ce su- jet, 1666, in-8°, p. 87), que saint Vincent de Paul est entré dans les ordres sans vocation, pour ne pas contrarier ses deux bienfaiteurs.
19. Nous lisons dans un ancien cahier manuscrit sans date conservé à l'hospice de Marans (Charente-Inférieure) : « Remède de saint Vincent de Paul pour la gravelle. Prenez thérébentine de Venise, deux onces ; turbith blanc, deux onces ; mastic, galanga, girofle, cannelle cubés, de chacun demi-once ; bois d'aloès battu, une once. Empâtez le tout ensemble avec demi-livre de miel blanc et une pinte d'eau-de-vie la plus forte. Laissez le tout en digestion quelque temps, puis le distillez. Il faut prendre, le matin, à jeun, la quatrième partie d'une cuillère et observer de l'emplir d'eau de bourrache ou de bu- glosse, en prendre autant de fois que l'on voudra, parce qu'elle ne peut être nuisible ; au contraire, elle est très bonne pour la santé ;
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ma croyance est ferme que, si j'eusse su ce que je vous envoie, que la mort n'en aurait jà -° triomphé (au moins par ce moyen), ores que l'on die que les jours de l'homme sont comptés devant Dieu. Il est vrai ; mais ce n'est point parce que Dieu avait compté ses jours être en tel nombre, mais le nombre a été compté devant Dieu, parce qu'il est advenu ainsi ; ou, pour plus clairement dire, il n'est point mort lorsqu'il est mort pource que Dieu l'avait ainsi prévu ou compté le nombre de ses jours être tel, mais il l'avait prévu ainsi et le nombre de ses jours a été comiu être tel qu'il a été, parce qu'il est mort lorsqu'il est mort.
Je fus donc avec ce vieillard depuis le mois de septembre 1605'^ jusques au mois d'août prochain ^^, qu'il fut pris et mené au grand sultan ^^ pour travailler pour lui, mais en vain, car il mourut de regret par les chemins. Il me laissa à im sien neveu, vrai anthro- pomorphite ^*, qui me revendit tôt après la mort de son oncle, parce qu'il ouit dire comme M. de Brèves -^, am- bassadeur pour le roi en Turquie, venait, avec bonnes
et la principale opération est pour les urines. C'est pourquoi on n'y est point obligé de garder d'autre régime de vivre, sinon qu'il ne faut mnnger qu'une heure après, et on peut aller à ses affaires ordinaires. On en verra l'expérience. Ce grand serviteur de Dieu l'a appris en Barbarie, lorsqu'il était captif. »
20. /à, déjà.
21. Il n'était donc resté que de un à deux mois avec son premier maître.
22. Prochain, suivant.
23. Achmet I®"", fils et successeur de Mohammed III.
24. Nom donné à ceux qui attribuent à Dieu une figure humaine. Il a paru étrange à Martin de Barcos {Jiéflique à V écrit que M. Abeîly, ancien évêque de 'Rodez, a -publié four défendre son livre de la vie de M. Vincent, 1669, in-4°, p. 13) que saint Vincent ait fait ici men- tion des opinions théologiques de son maître, et il a supposé qu'Abelly avait mal lu l'original. Il est possible qu'après coup Abelly ait eu des doutes, car, dans sa seconde édition, le mot anthrofomorfhite est omis.
25. François Savary, seigneur de Brèves, ambassadeur à Constan- tinople de rsSg à 1607 et à Rome de 1607 à 1615, gouverneur de
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et expresses patentes du Grand Turc, pour recouvrer les esclaves chrétiens.
Un renégat ^^ de Nice, en Savoie, ennemi de nature, m'acheta et m'en emmena en son temat -'' ; ainsi s'ap- pelle le bien que l'on tient comme métayer du Grand Seigneur, car le peuple n'a rien ; tout est au sultan. Le temat de celui-ci était dans la montagne, où le pays est extrêmement chaud et désert. L'une des trois femmes qu'il avait (comme grecque-chrétienne, mais schisma- tique) avait un bel esprit et m'affectionnait fort ; et plus à la fin, une naturellement turque, qui servit d'ins- trument à l'immense miséricorde de Dieu pour retirer son mari de l'apostasie et le remettre au giron de l'Eglise, fit me délivrer de mon esclavage. Curieuse qu'elle était de savoir notre façon de vivre, elle me venait voir tous les jours aux chaimps oii je fossoyais.
Gaston, frère de Louis XIII, premier écuyer de la reine et membre du conseil des dépêches, un des négociateurs les plus habiles du règne d'Henri IV, mort en 1628, à l'âge de soi.xante-huit ans.
Savary de Brèves débarqua à Tunis le 17 juin 1606. Il avait ordre de demander l'élargissement de tous les esclaves français, la restitution des marchandises et des navires pris par les pirates, enfin l'abolition du droit de visite. Au mois d'août, après de longs pourpar- lers, les Tunisiens s'engagèrent à ne plus troubler le trafic des négo- ciants français et à restituer au consul tout ce que les corsaires enlè- veraient à la France. L'ambassadeur repartit le 24 août, accompagné de soixante-dou^e esclaves. Il n'avait obtenu que des promesses res- tées vaines et la libération' de quelques captifs, f Relation des voyages de Monsieur de Brèves tant en Grèce, Terre Sainte et Egyfte qu'aux royaumes de Ttinis et d'Alger, ensemble un traité fait l'an 1604. par Jacques de Castel, son secrétaire, Paris, 1628, in-4°.)
26. Les renégats étaient nombreux. Ils se recrutaient soit parmi les esclaves, soit parmi les étrangers venus d'eux-mêmes en Barbarie pour se soustraire à leurs créanciers. Ceux qui embrassaient l'Islam étaient, de par la loi musulmane, quittes de toutes dettes. Les esclaves convertis à la religion de Mahomet avaient plus de liberté que les autres et étaient soumis à des traitemeuls moins rigoureux. Les capi- taines les plus redoutés dont parle l'histoire de la piraterie barba- resque, étaient presque tous des renégats. Une fois leur fortune faite, ils en jouissaient paisiblement dans de somptueux palais.
27. Mot turc.
et après tout me commanda de chanter louanges à mon Dieu. Le ressouvenir du Quomodo cantabimus in terra aliéna des enfants d'Israël captifs en Babylone me fit commencer, avec la larme à l'œil, le psaume Super flumina Babylonis et puis le Salve, Regina, et plusieurs autres choses ; en quoi elle prit autant de plaisir que la merveille en fut grande. Elle ne manqua point de dire à son mari, le soir, qu'il avait eu tort de quitter sa religion, qu'elle estimait extrêmement bonne, pour un récit que je lui avais fait de notre Dieu et quelques louanges que je lui avais chantées en sa présence ; en quoi, disait-elle, elle avait un si divin plaisir qu'elle ne croyait point que le paradis de ses pères et celui qu'elle espérait fût si glorieux, ni accompagné de tant de joie que le plaisir qu'elle avait pendant que je louais mon Dieu, concluant qu'il y avait quelque merveille.
Cet autre Caïphe ou ânesse de Balaam fit, par ses discours, que son mari me dit dès le lendemain qu'il ne tenait qu'à commodité que nous ne nous sauvassions en France^*, mais qu'il y donnerait tel remède, dans peu de temps, que Dieu y serait loué. Ce peu de jours furent dix mois qu'il m'entretint en ces vaines, mais à la fin exécutées espérances, au bout desquels nous nous sauvâmes avec un petit esquif et nous rendîmes, le vingt-huitième de juin , à Aigues-Mortes "® et tôt après en Avignon, où Monseigneur le vice-légat '"' reçut publi-
as. Il était impossible de fuir par terre, la régence de Tunis étant entourée de déserts infestés de bêtes fauves. Par mer, la fuite était périlleuse, vu la surveillance continuelle que l'on exerçait sur les côtes. Les renégats en fuite, quand ils étaient repris, payaient de leur vie leur tentative audacieuse.
29. Petite ville du Gard placée sur les bords d'un grand étang, à près de deux lieues de la mer, à laquelle elle est reliée par un canal construit sous Louis XV.
30. Pierre-François Montorio, né en mars 1558 à Narni, évêque de Nicastro en 1593, vice-légat d'Avignon en 1604, nonce à Cologne en 162 1, mort à Rome en juin 1643.
quement le renégat, avec la larme à l'œil et le sanglot au gosier, dans l'église de Saint-Pierre, à l'honneur de Dieu et édification des spectateurs. Mondit seigneur nous a retenus tous deux pour nous mener à Rome, où il s'en va tout aussitôt que son successeur à la trienne^', qu'il acheva le jour de la saint Jean, sera venu ^-. Il a promis au pénitent de le faire entrer à l'austère couvent des Fate ben fratelli -^^j q\\ il s'est voué 3^, et à moi de me faire pourvoir de quelque bon bénéfice. Il me fait cet honneur de me fort aimer et caresser, pour quelques secrets d'alchimie que je lui ai appris, desquels il fait plus d'état, dit-il, que si io li avesse datto un monte di oro ^^, parce qu'il y a travaillé tout le temps de sa vie et qu'il ne respire autre contentement. Mondit seigneur, sachant comme je suis homme d'église, m'a commandé d'envoyer quérir les lettres de mes ordres, m'assurajit de me faire du bien et très bien pourvoir de bénéfice. J'étais en peine pour trouver homm.e affidé pour ce faire, quand un mien ami, de la maison de mondit seigneur, m'adressa Monsieur Canterelle, pré- sent porteur, qui s'en allait à Toulouse, lequel j'ai prié de prendre la peine de donner un coup d'éperon jusques à Dax pour vous aller rendre la présente et recevoir mesdites lettres avec celles que j'obtins à Toulouse de bachelier en théologie ^®, que je vous supplie
31. Les vice-légats d'Avignon étaient nommés pour trois ans.
32. Le successeur de Pierre-François Montorio fut Joseph Ferreri, archevêque d'Urbino.
33. Faites bien, frères, nom vulgaire d'un hôpital tenu par les frères de Saint-Jean-de-Dieu.
34. Abelly ne donne pas la suite de la lettre.
35. Si io li avesse datto un monte di anro, si je lui avais donné une montagne d'or.
36. On retrouva dans la chambre du saint, après sa mort, ses let- tres de bachelier en théologie, reçues à l'université de Toulouse, et celles de licencié en droit canon, que lui avait conférées l'université de Paris (Déposition du frère Chollier au procès de béatification ;
lui délivrer. Je vous en envoie, à ces fins, un reçu. Ledit sieur Canterelle est de la maison et a exprès comman- dement de Monseigneur de s'acquitter ûdèlement de sa charge et de m'envoyer les papiers à Rome, si tant est que nous soyons partis.
J'ai porté deux pierres de Turquie que nature a tail- lées en pointe de diamant, l'une desquelles je vous envoie, vous suppliant la recevoir d'aussi bon cœur que humblement je la vous présente.
Il ne peut point être, Monsieur, que vous et mes parents n'ayez été scandalisés en moi par mes créan- ciers, que j'aurais déjà en partie satisfaits de cent ou six-vingts écus, que notre pénitent m'a donnés, si je n'avais été conseillé par mes meilleurs amis de les garder jusques à mon retour de Rome, pour éviter les accidents qu'à faute d'argent me poiu-raient advenir (ores que j'aie la table et le bon œil de Monseigneur) ; mais j'estime que tout ce scandale se tournera en bien.
J'écris à Monsieur d'Arnaudin ''^ et à ma mère. Je vous supplie leur faire tenir mes lettres par homme que Mon- sieur Canterelle paiera. Si, par cas fortuit, ma mère avait retiré les lettres, à tout événement, elles sont insinuées chez Monsieur Rabel ^*. Autre chose ^^ sinon que, vous priant me continuer votre sainte affection, je
cf. Summarium ex frocessu ne fereant -probationes auctoritate a-pos- tolica fabricato, in-4, -p. 5.) Vincent de Paul ne se donne jamais d'autres titres. Ceux qui lui attribuent la licence en théologie (Abelly, of. cit., t. III, chap. XIII, p. 199), ou le doctorat en la même ma- tière (Gallia Chrisiiana, t. II, col. 1413), font certainement erreur.
37. Vraisemblablement Pierre Darnaudin, notaire.
38. Pierre Rabel ou Ravel était, cro3ons-nous, secrétaire épiscopal. Nous le voyons figurer dans une pièce de 1603 comme procureur cons- titué de l'évêque de Dax devant le notaire Bayle. (Archiv. non clas- sées du sénéchal civil de Dax.J
39. Autre chose, rien autre chose.
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demteure, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur
Depaul *°. En Avignon, ce 24 juillet 1607.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Cornet, avocat à la Cour présidiale de Dax, à Dax.
2. — A MONSIEUR DE COMET
Monsieur,
Je vous ai écrit deux fois par l'ordinaire d'Espagne, qui passe à Paris et à Bayonne, et adressé mes lettres chez Monsieur de la Lande ^ pour les faire tenir à Monsieur le procureur du roi, que je me ressouviens être parents, et ne savoir c?(i altari vovere vota mea pour
40. Les trois premières lettres de saint Vincent sont signées Defauly les suivantes Vincent Defaul, ou, par abréviation, V. D., parfois V. D. P. Jamais sous la plume du saint on ne trouve de Paul en deux mots, bien que ses contemporains eux-mêmes aient ainsi séparé les deux syllabes de son nom. Dans les registres paroissiaux de son vil- lage natal et des lieux environnants et au bas des actes notariés de la famille, nous trouvons l'une et l'autre orthographes. Au reste, la ques- tion est sans importance. La particule n'est regardée, et avec raison, par aucun généalogiste comme un signe de noblesse. Il suftit de par- courir les plus anciens registres de catholicité de Pouy pour s'en con- vaincre ; presque tous les paysans ont un de devant leur nom. La rai- son en est dans ce fait que, au moins dans cette partie des Landes, beaucoup de noms de personnes étaient à l'origine des noms de lieux. Nous trouvons à Pouy deux endroits qui s'appelaient anciennement et s'appellent encore aujourd'hui Paul : une maison sise dans le quar- tier de Buglose, et un ruisseau qui traverse presque à mi-chemin la route reliant Buglose au Berceau. Il est assez probable que les pa- rents éloignés du saint avaient habité ou celte maison ou les bords de ce ruisseau. Ils étaient de Paul ; le nom leur est resté.
Lettre 2- — L. a. Dossier de la Mission, original. Nous avons déjà raconté l'histoire de l'original de cette lettre en parlant de l'ori- ginal de la lettre i.
I. Très probablement Bertrand de Lalande, conseiller du roi et lieutenant général du présidial de Dax, qui, par son mariage avec Jeanne de Parage, dame d'Escanebaque, est devenu la tige des ••le Lalande, seigneurs d'Escanebaque à Sabres (I-andes).
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avoir de vos nouvelles, quand Dieu, qui, etiamsi dif- férât, non aufert tamen spei effecius, m'a fait ren- contrer ce vénérable Père religieux sur son embar- quement, par le moyen duquel j'espère jouir du bien duquel la perfidie de ceux à qui l'on ûe les lettres m'avait privé.
Ce bien n'est autre chose. Monsieur, qu'une assu- rance nouvelle de votre bon portement et de celui de toute votre famille, que je prie le Seigneur féliciter du comble de ses grâces. Je vous rendais grâces par mes précédentes du soin paternel qu'il vous plaît avoir de moi et de mes affaires, et priais mon Dieu, comme je fais encore et ferai toute ma vie, me vouloir faire la grâce de me donner le moyen de m'en revancher par mon service, que vous vous êtes hypothéqué au prix de tout le bien qu'un père peut faire à son âls propre.
Je suis extrêmement marri que je ne vous puisse écrire que - trop sommairement l'état de mes affaires pour le hâté départ des m.ariniers peu courtois avec lesquels ce vénérable Père s'en va, non à Dax, à ce qu'il m'a dit, mais bien en Béarn, où il m'a dit que le Révérend Père Antoine Pontanus, qui a toujours été de mes bons amis, prêche, auquel, comme à celui duquel j'espère un bon office, j'adresse mes lettres, le prie vous vouloir faire tenir la présente, et de me renvoyer, s'il a commodité, comme ce Père m'a dit qu'il aurait, la réponse que j'espère qu'il vous plaira me faire.
Mon état est donc tel, en un mot, que je suis en cette ville de Rome, oii je continue mes études, entretenu par Monseigneur le vice-légat qui était d'Avignon ^, qui me fait l'honneur de m' aimer et de désirer mon avan-
2. Ce mot est répété dans l'original.
3. Pierre-François de Montorio.
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cernent, pour lui avoir montré force belles choses curieuses que j'appris pendant mon esclavage de ce vieillard turc à qui je vous ai écrit que je fus vendu, du nombre desquelles curiosités est le commencement, non la totale perfection, du miroir d'Archimède ; un ressort artificiel pour faire parler ime tête de mort, de laquelle ce misérable se servait pour séduire le peuple, leur disant que son dieu Mahomet lui faisait entendre sa volonté par cette tête, et mille autres belles choses géométriques, que j'appris de lui, desquelles mondit seigneur est si jaloux qu'il ne veut pas même que j'ac- coste personne, de peur qu'il a que je l'enseigne, dési- rant avoir, lui seul, la réputation de savoir ces choses, lesquelles il se plaît de faire voir quelquefois à Sa Sainteté * et aux cardinaux. Cette sienne affection et bienveillance donc me fait promettre, comme il me l'a promis aussi, le moyen de faire une retirade honorable, me faisant avoir, à ces fi.ns, quelque honnête bénéfice en France ; à quoi m'est nécessaire extrêmement une copie de mes lettres d'ordres, signée et scellée de Monseigneur de Dax ^, avec un témoignage de mondit seigneur, qu'il pourrait retirer par une enquête som- maire de quelques-uns de nos amis, comme l'on m'a toujours reconnu vivant en homme de bien, avec toutes
4. Paul V.
5. La copie envoyée au saint sur sa demande commençait ainsi : TLx- trait du quatrième registre des Insinuations ecclésiastiques du diocèse â'Acqs ; puis venait le texte des lettres d'ordination, et à la suite : « L'an mil six cent quatre et le vingtième jour du présent mois d'oc- tobre, toutes les susdites lettres d'ordre de prêtrise ont été insi- nuées et enregistrées au quatrième registre des Insinuations ecclésias- tiques du diocèse d'Acqs, ce requérant ledit Vincent de Paul y nommé. Et le quinzième du présent mois de mai mil six cent huit, le tout a été bien et dûment extrait, vidimé et collationné dudit quatrième registre des Insinuations, ce requérant [la place réservée au nom est restée en blanc] son frère, au nom et comme ayant charge dudit Vincent de Paul, pour lui servir ce qut de raison. Fait à d'Acqs ledit jour et an
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les autres petites solennités à ce requises. C'est ce que mondit seigneur m'exhorte tous les jours de retirer. C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie très hum- blement me vouloir faire encore ce bien de vouloir relever une autre cédule de mes lettres et de tenir ia main à me faire obtenir de mondit seigneur de Dax cet attestatoire, en la forme que dessus, et de me l'en- voyer par la voie dudit Révérend Père Pontanus. Je vous aurais envoyé de l'argent à ces fins, n'était que je crains que l'argent ne fasse perdre la lettre. Voilà pourquoi je vous prie faire, avec ma mère ®, qu'elle fournisse ce qu'il faudra. Je présuppose qu'il y fau- dra 3 ou 4 écus. J'en ai baillé deux, comme par aumône sans reproche à ce religieux, qui me promit de les rendre audit Père Antoine ^ pour les envoyer à cet effet. Si cela est, je vous prie les prendre ; sinon, je vous promets vous renvover ce qu'on aura fourni pen- dant quatre ou cinq mois, par lettre d'échange avec ce que je dois à Toulouse ; car je suis résolu de m'ac- quitter, puisqu'il a plu à Dieu m'en donner le juste
que dessus par moi. De Luc, greffier. » L'attestation de Jean-Jac- ques Dusault, évêque de Dax, terminait le tout. « Joannes-Jacobus Dusault, Dei et Sanciae Sedis A-postolicae gratia Aquensis efiscofus, omnibus fraesentes litteras insfecturis salutem in Domino. Notum jacimus et attestamur quod fraedictae litterae omnium ordinum et dimissoriae Magistri Vincentii Patili, nostrae dioecesis fresbyteri, su- frascriftae et in registre Insinuationtim ecclesiasticarum dictae nos trae dioecesis ex vero originali insinuatae, exinde extractae fuerurit, frout tenore fraesentium attestamur ; in cujus rei fidem dictas lit- teras certificatorias siçno et sigillo nostris signoque secretarii nostri jussimus communiri. Datum Aquis, die decima-seftima mensis maii, anno Domini millesimo sexcentesimo octavo. J. J. Dusault, efiscofus Aquensis. De mandato fraefati Domini mei Reverendissimi Efis-
cofi, Duclos, secretarius. » (Arch. des prêtres de la Mission, copie du XVIII» siècle.)
6. Vincent de Paul avait perdu son père en 1598. (Abelly, of cit., t. I, chap. III, p. 12.)
7. Antoine Pontanus.
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moyen. J'écris à Monsieur Dusin, mon oncle *, et le prie de me vouloir assister en cet affaire.
Je reçus, par celui qui vous alla trouver de ma part, les lettres de bachelier qu'il vous plut m'envoyer, avec une copie de mes lettres, que l'on a jugée invalide, pour n'avoir été autorisée par le seing et apposition du scel de mondit seigneur de Dax.
Il n'y a rien de nouveau que je vous puisse écrire, fors la conversion de trois familles tartares, qui se sont venues christianiser en cette ville, que Sa Sainteté reçut la larme à l'œil, et la catholisation d'un évêque ambassadeur pour les Grecs schismatiques.
La hâte me fait conclure la présente, mal empatouil- lée en cet endroit, avec humble prière que je vous fais d'excuser ma trop grande importunité et de croire que je hâterai mon retour le plus qu'il me sera possible pour m' aller acquitter du service que je vous dois ; ce qu'attendant, je demeurerai, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.
Depaul. De Rome, ce 28 février 1608.
Suscription : A Monsieur Monsieur de Comet, avocat à la Cour présidiale de Dax, à Dax.
8. Probablement Dominique Dusin, qui était curé de Pouy ou le devint dans la suite. (Collet, of. cit., t. I, p. 109.)
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3. — A SA MÈRE, A POUY *
17 février 16 10. Ma Mère,
L'assurance que Monsieur de Saint-Martin - nra donnée de votre bon portement m'a autant réjoui que le séjour qu'il me faut encore faire en cette ville ^ pour recouvrer l'occasion de mon avancement (que mes désastres m'ont ravi) me rend fâché pour ne vous pouvoir aller rendre les services que je vous dois ; mais j'espère tant en la grâce de Dieu qu'il bénira mon labeur et qu'il me donnera bientôt le moyen de faire une honnête retraite "*, pour employer le reste de mes jours auprès de vous ^. J'ai dit l'état de mes affaires à 'Monsieur de Saint-Martin, qui m'a témoigné qu'il voulait succéder à la bienveillance et à l'affection qu'il a plu à Monsieur de Comet nous porter. Je l'ai supplié de vous communiquer le tout.
J'eusse bien désiré savoir l'état des affaires de la maison et si tous mes frères et sœurs ® et le reste de nos
Lettre 3. — Reg. I, f° i. Le copiste note que l'original était en entier de la main du saint.
1. Aujourd'hui Saint-Vincent-de-Paul (Landes). C'est dans ce petit village, à 6 kilomètres de Dax, <|ue saint Vincent «^st né. Un vaste ensemble de bâtiments, comprenant hospice, orphelinats, ateliers et séminaire, marque l'endroit où il vint au monde.
2. Probablement Jean de Saint-Martin, époux de Catherinede Comet, frère du chanoine de Saint-Martin et juge de Pouy. M. de Comet le jeune était mort, semble-t-il, avant i6iOj
3. D'après Abellv [o-p. cit., t. I, chap. V, au début, p. 20), saint Vin- cent serait venu de Rome à Paris vers la fin de 1608, envoyé vers Henri IV par le cardinal d'Ossat. Aucun document de l'époque ne parle de cette mission secrète, et il est siir que le cardinal d'Ossat n'y fut pour lien, puisqu'il était mort le i3 mars 1604.
4. Saint Vincent eut, le 17 mai, le bénéfice qu'il attendait. Nous donnerons en son lieu le contrat fait à cette occasion.
5. Comme ce langage diffère de celui que sa<nt Vincent tiendra plus tard quand il aura pris davantage contact avec les âmes, vu leurs besoins, senti leurs souffrances, entendu leur appel !
6. Nous savons par Abelly [of. cit., t. II, chap. 11, au début, p. 7)
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autres parents et amis se portent bien, et notamment si mon frère Gayon est marié et à qui, d'ailleurs, comment vont les affaires de ma sœur Marie, de Pail- lole \ et si elle vit toujours et fait une même maison avec son beau- frère Bertrand. Quant à mon autre sœur, j'estime qu'elle ne peut être qu'à son aise," tant qu'il plaira à Dieu la tenir accompagnée. Je désirerais aussi que mon frère fît étudier quelqu'un de mes neveux **. Mes infortunes et le peu de service que j'ai encore pu faire à la maison lui en pourront possible ôter la- volonté ; mais qu'il se représente que l'infortune pré- sente présuppose un bonheur à l'avenir.
C'est tout, ma mère, ce que je vous puis dire par la présente, fors que je vous supplie présenter mes humbles recommandations à tous mes frères et sœurs et à tous nos autres parents et amis, et que je prie Dieu
que Vincent de Paul était le troisième enfant d'une famille comprenant quatre garçons et deux filles. Dans un acte notarié, du 4 septembre 1626, signé Vincent Depaul, il est question de « Bernard et Gayon Depaul, frères dudit sieur Vincent Depaul », ce dernier « son frère second », de « Marie Depaul, sa sœur, femme de Grégoire », et d'une autre « Marie Depaul, sa sœur », veuve de « Jehan de Paillole ». Un document, du 12 mai i63i, publié dans la Revue de Gascogne {igo5, p. 354-357), nous parle de « Pierre Depaul, dit de Leschine »,fils de «feu Jehan Depaul». Si nous comparons une lettre de M. Lostalot, du 25 septembre 1682 (Arch. des prêtres de la Mission), avec les registres de catholicité, nous sommes amenés à cette conclusion que Pierre de Paul était neveu du saint, et par suite que son père en était le frère. Jean n'est pas nommé dans l'acte de 1626, parce qu'il était mort à cette date. Jean, Bernard. Gayon, Marie et une autre Marie, tels seraient donc les noms des frères et sœurs de saint Vincent; mais rien ne nous dit dans quel ordre il faut les placer.
7. Paillole est le nom de la maison qu'habitait la sœur du saint. Cette maison était près de l'église, là où se trouve aujourd'hui celle qui porte le même nom.
8. Un des neveux de saint Vincent étudia et devint prêtre. Nous lisons, en effet, dans un registre des prébendiers de Capbreton (Landes) : « M. François Depaul, prêtre, prébendier de Capbreton en la place de M. Jean de Ponteils, décéda le 8 juin 1678; il était de Pouy, proche d'Acqs, et neveu de M. Vincent, prêtre, fondateur de la congrégation des prêtres de la Mission. » (Arch. de M. l'abbé Gabarra, curé de Cap- breton).
sans cesse pour votre santé et pour la prospérité de la maison, comme celui qui vous est et vous sera, ma mère, le plus humble, le plus obéissant et serviable fils et serviteur.
Depaul.
Je vous supplie présenter mes humbles recomman- dations à tous mes frères et sœurs et à tous nos parents et amis, et notamment à Bétan.
4. — A EDME MAULJEAN, VICAIRE GÉNÉRAL DE SENS*
20 juin 1616. Monsieur,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !
Il se trouve quelquefois quelques bonnes personnes qui désirent faire confession générale, et pource qu'il s'y rencontre bien souvent des cas réservés et qu'on a peine de les renvoyer, j'ai pensé de vous supplier très humblement de me donner permission de les absoudre desdits cas réservés, vous assurant que je n'en abuserai point et que je serai toute ma vie, Mon- sieur, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul. 5. — edme mauljean a saint vincent
Monsieur, J'ai tant (^assurance de votre suffisance, -prudence, cafacité
Lettre 4. — Reg. I, f" 1. — Le copiste note que Foriginal était en entier de la main du saint.
I. Né au diocèse de Châlons, mort le i"' mars 1617. Vincent de Paul, précepteur des enfants de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères et comte de Joigny, avait souvent l'occasion d"aller avec eu.x dans cette ville, située au diocèse de Sens.
Lettre 5. — Reg. I, f" i. Edme Mauljean écrivit sa réponse à la suite de la requête de Vincent de Paul.
et autres mérites que très volontiers je vous accorde ce que vous demandez. Dieu vous donne la grâce de vous en acquitter digne- ment, comme je Vespère ainsi l
En signe de quoi je vous ai sigtié ce mot le 20' jour de juin 16 16.
Mauljean.
6. — A PHILIPPE-EMMANUEL DE GONDi', EN PROVENCE
Août OU septembre 161 7 -.
Saint Vincent écrit de Châtillon-les-Dombes^, que, n'ayant aucune des qualités requises pour être précepteur dans une famille d'aussi haute noblesse que celle des Gondi, il a quitté secrètement Paris, avec l'intention bien arrêtée d'exercer le ministère paroissial là où il se trouve.
7. — MADAME DE GONDI A SAINT VINCENT i-
Septembre 1617*. Monsieur j
fe n'avais -pas tort de craindre de perdre votre assistance, comme je vous ai témoigné tant de fois, fuisquen effet je Vai ■perdue. L'angoisse oie j^en suis m.'est insupportable sans une grâce de Dieu tout extraordinaire, que je ne mérite pas. Si ce n'était que four un temps, je n'aurais pas tant de peine ; mais
Lettre 6. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 38.
1. Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères de France, était père du second cardinal de Retz, qui se signala par ses intrigues sous la Fronde. Devenu veuf, il entra chez les Oratoriens et y passa le reste de sa vie dans la pratique des vertus chrétiennes et religieuses. 11 mourut à Joigny, le 29 juin 1662. La congrégation de la Mission, l'Ora- toire et le Carmel honorent en lui un de leurs plus insignes bienfaiteurs. On peut lire sa notice dans la Bibliothèque oratoriennc du P. Ingold, Paris, 1882, 3 vol. in-12, t. I. pp. 421-448; et dans les Mémoires domes- tiques pour servir à l'histoire de l'Oratoire, par le P. Louis Batterel, Paris, 1902-1905, 4 vol. in-8, t. I, pp. 322-36i.
2. Abelly nous dit que le général des galères reçut la lettre de Vincent de Paul à la fin d'août ou dans la première quinzaine de sep- tembre.
3. Aujourd'hui Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), dans le diocèse de Belley.
Lettre 7. — Abelly, op. cit., t. I, chap. ix, p. 41.
I. Françoise-Marguerite de Silly, épouse de Philippe-Emmanuel de Gondi, était née en 1580 d'Antoine de Silly, comte de Rochepot, baron de Montmirail, ambassadeur en Espagne, et de Marie de Lan- noy. Peu après que saint Vincent fut entré dans sa maison comme
quand je regarde toutes les occasions où fatirai besoin d'être assistée, far direction et far conseil^ soit en la mort, soit en la vie, mes douleurs se renouvellent, jugez donc si mon es-prit et mon cor-ps peuvent longtemps porter ces peines. Je suis en état de ne rechercher ni recevoir assistance d'ailleurs, parce que vous savez bien que n'ai pas la liberté pour les besoin^ de mon âme avec beaucoup de gens. Monsieur de Bérulle m'a promis de vous écrire, et f invoque Dieu et la Sainte Vierge de vous redonner à notre maison, pour le salut de toute notre famille et de beaucoup d'autres, vers qui vous pourrez exercer votre charité. Je vous supplie encore une fois, pra- tiquez-la envers nous, pour Vamour que vous portez à Notre- Seigneur à la bonté duquel je me remets en cette occasion, bien qu'avec grande crainte de ne pouvoir pas persévérer. Si après cela vous me refusez, je vous chargerai devant Dieu de tout ce qui m'' arrivera et de tout le bien que je manquerai à faire, faute d'être aidée. Vous me mettrez en hasard dêtre en des lieux bien souvent privée des sacrements, pour les grandes pei- nes qui m'y arrivent et le peu de gens qui sont capables de ni y assister. Vous voyez bien que Monsieur le général a le même désir que jnoi, que Dieu seul lui donne, par sa miséri- corde. Ne résistez pas au bien que vous pouvez faire aidant à son salut, puisqu'il est pour aider un jour à celui de beau- coup d'autres. Je sais que, ma vie ne servant qu'à offenser Dieu, il n'est pas dangereux de la mettre en hasard ; mais mon âme doit être assistée à la mort. Souvenez-vous de l'ap- préhension où vous m'avez vue en ma dernière maladie en un- village ; je suis pour arriver en un pire état ; et la seule peur de cela me ferait tant de mal que je ne sais si sans ma grande disposition précédente elle ne me ferait pas mourir.
précepteur de ses enfants, elle lui confia la direction de son âme. L'influence du saint ne tarda pas à se faire sentir. La pieuse dame prit l'habitude de visiter et de servir les malades, de distribuer aux pauvres d'abondantes aumônes. Elle fit donner des missions sur ses terres et s'affilia à la confrérie de la Charité de Montmirail- Elle mourut le 23 juin 1625, après avoir fait nommer son saint directeur principal du collège des Bons-Enfants et lui avoir mis en main les moyens, par un don de 45.000 livres, de fonder la congrégation de la Mission. (Voir Abelly, of cit., t. I. chap. vii-xviii ; Hilarion de Coste, Les éloges et vies des reynes, princesses, dames et damoi- selles illustres en piété, courage et doctrine, Paris, 1647, 2 vol. in-4° t. II, p. 389 et suiv. ; Cbantelauze, Saint Vincent de Paul et les Gon- di, Paris, 1882, in-80.)
Madame de Gondi reçut, le 14 septembre, la lettre par laquelle son mari lui apprenait la résolution de saint Vincent ; ce fut à la suite de cette lettre qu'elle écrivit la sienne.
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8- — A MADAME DE GONDI
Septembre ou octobre 1617'.
Vincent de Paul console et encourage Mme de Gondi, tout en l'invitant à se soumettre au bon plaisir de Dieu-.
9. — PHILIPPE-EMMANUEL DE GONDI A SAINT VINCENT
i5 octobre 1617.
J'ai reçu de fuis deux jours celle que vous m'avez écrite de Lyon, où je vois la résolution que vous avez frise de faire un fetit voyage à Paris sur la fin de novembre, dont je 7ne réjouis extrêmement, esférant de vous y voir en ce temfs-là, et que vous accorderez à mes frières et aux conseils de tous vos bons atnis le bien que je désire de vous.
Je ne vous en dirai fas davantage, fuisque vous avez vu la lettre que j'écris à ma femme. Je vous frie seulement de con- sidérer quHl semble que Dieu veut que, far votre moyen, le fère et les enfants soient gens de bien.
10. — A CHARLES DU FRESNE ' SECRÉTAIRE DE PHILIPPE-EMMANUEL DE GONDI
Octobre 1617 -.
Saint Vincent informe son ami qu'il espère faire un voyage
Lettre 8. — Abelly, of. cit., t. I, chap. ix, p. 43.
1. Cette lettre répond à la précédente.
2. La réponse de saint Vincent de Paul ne découragea pas Ma- dame de Gondi ; elle fit écrire ses enfants, les principaux officiers de sa maison, le Père de Bérulle, le cardinal de Retz, évêque de Paris, des docteurs, des religieux, bref toutes les personnes qui pou- vaient avoir de l'influence sur son saint directeur. L'intervention du Père Bence, supérieur de l'Oratoire de Lyon, fut de toutes la plus efficace ; le saint lui promit d'aller à Paris prendre conseil de ses amis.
Lettre 9. — Abelly, of. cit., t. I, chap. ix, p. 44.
Lettre 10. — Abelly, of. cit., t. I, chap. ix, p. 44.
I. Sieur de Villeneuve, ancien secrétaire de la reine Marguerite de Valois, entré après la mort de cette princesse, dans la maison d'Em- manuel de Gondi, dont il fut secrétaire, puis intendant. (Abelly, of. cit., t. I, chap. V, p. 21.) C'était un des amis les plus intimes de saint Vincent.
2 Cette lettre est, à très peu de jours près, de même date que la précédente.
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à Paris dans deux mois ; là, suivant les lumières que Dieu lui donnera,, il prendra une décision définitive sur son retour à Châtillon-les-Dombes ou sa rentrée dans la famille des Gondi 3.
11. —A NICOLAS DE BAILLEUL, PREVOT DES MARCHANDS '
25 juillet 1625.
Supplie humblement Vincent de Paul, principal du collège des Bons-Enfants ^, proche la porte Saint- Victor ^, disant que les bâtiments dudit collège sont grandement ruinés par leur .ancienneté ; et pour éviter la chute entière d'iceux il est nécessaire d'y remédier promptement à la chapelle et bâtiment dudit collège, où il y a quantité de grandes réparations à faire ^ ; ce
3. Ce fut à ce dernier parti que Vincent de Paul s'arrêta, après avoir consulté le Père de Bérulle et d'autres personnes éclairées. Ar- rivé à Paris le 23 décembre, il reprenait sa place, le lendemain, dans la famille des Gondi.
Lettre 11. — Arch. Nat. S 6373, copie.
I- Nicolas de Bailleul, seigneur de Vattetot-sur-Mer et de Soisy- sur-Mer, prévôt des marchands de 1622 à 1628, puis président à mor- tier, surintendant des finances et ministre d'Etat, mort le 20 août 1652 dans sa soixante-sixième année.
2. Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, avait cédé à saint Vincent de Paul, le i^ mars 1624, le principalat du collège des Bons-Enfants, afin qu'il eût un local pour loger les prêtres désireux de se joindre à lui en vue de donner des missions dans les campagnes. Ce collège, un des plus anciens de l'Université, était presque aban- donné ; ses murs tombaient en ruines. Le saint attendit la mort de Madame de Gondi pour venir l'habiter. Il eut, au début, deux auxi- liaires : Antoine Portail, qui lui restera fidèle jusqu'à la mort, et un autre prêtre, dont on ignore le nom, mais qui n'est certainement pas Adrien Gambart, comme on l'a supposé à tort, car Adrien Gambart fut ordonné prêtre en 1633. (Voir sa notice en tête du Missionnaire paroissial, éd. Migne, 1866, dans la Collection intégrale et univer- selle des Orateurs chrétiens, Paris, 1844-1892, 100 vol. in-4°, t. 89.^ Quand les missionnaires allaient aux champs, ce qui arrivait souvent, les clefs étaient confiées à un voisin.
3. Il y avait un autre collège des Bons-Enfants dans le quartier du Louvre.
4. Le rapport des experts, daté du 27 juillet, nous donne une idée de l'état des bâtiments. « On y voit que le corps de logis en aile, à
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considéré, mondit sieur, il vous plaise, afi.n d'être plus certiore ' des réparations nécessaires audit collège, ordonner qu'il sera vu et visité par deux maitres jurés maçons, ou tels autres qu'il vous plaira nommer, lesquels en feront leur rapport pour ce faire et ordonner ce que de raison ; et ferez justice *^.
Suscriptïon : A Monsieur le prévôt de Paris ou Mon- sieur le lieutenant civil conservateur des privilèges de l'Université.
12. — A LOUISE DE MARILLAC ^
Du 30 octobre 1626. Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !
gauche en entrant, le plus considérable de tous, était inhabité pour sa trop grande caducité et qu'il fut jugé nécessaire de l'abattre pour le reconstruire de fond en comble ; que les autres avaient tous besoin de réparations considérables, non seulement relativement aux cou- vertures, lambris, cloisons, portes et croisées, dont la plupart ne va- laient rien, mais aussi par rapport aux gros murs, aux fosses d'ai- sance, aux planchers et aux escaliers. » {Réflexions sur les diffé- rents comptes du collège des Bons-Enfants en réponse aux observa- tions du sieur Reboul, archiviste du collège Louis-le-Grand sur le même objet, Arch. Nat. H^ 3288.)
5. Plus certiore, plus assuré.
6. Vincent de Paul reçut l'autorisation de faire les réparations ju- gées urgentes par les experts et d'emprunter pour cela, au besoin en hypothéquant les biens du collège. Il se contenta, faute de ressources, des travaux absolument indispensables ; le reste fut remis à plus tard. (Réflexions sur les différents comptes du collège des Bons-Enfants.)
Lettre 12. — Manuscrit Saint-Paul, p. 2.
1. Louise de Marillac, née à Paris, le 12 août 1591, de Louis de Marillac, frère du pieux Michel de Marillac, garde des sceaux (1626- 1630), et du maréchal de Marillac, célèbre par ses disgrâces et sa mort tragique, était veuve d'Antoine Le Gras, secrétaire de la reine Marie de Médecis, qu'elle avait épousé le 5 février 1613 et perdu le 21 décembre 1625. Elle en avait eu un fils, Michel, qui venait d'ac- complir ses treize ans. La pieuse veuve avait mis toute sa confiance en celui qui dirigeait sa conscience, Vincent de Paul, dont elle sup-
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J'ai reçu la vôtre en ce lieu de Loisy-en-Brie -, qui est à vdngt-huit lieues de Paris, où nous sommes en mission ^ Je ne vous ai point donné avis de mon départ, pource qu'il a été un peu plus prompt que je n'avais pensé, et que j'avais peine de vous en faire en vous en donnant avis. Or sus, Notre-Seigneur trouvera son compte en cette petite mortification, s'il lui plaît, et fera lui-même l'office de directeur ; oui, certes, il le fera, et de façon qu'il vous fera voir que c'est lui-même. Soyez donc sa chère fille, toute humble, toute soumise et toute pleine de confiance, et attendez toujours avec patience l'évi- dence de sa «ainte et adorable volonté.
Nous sommes ici en un lieu oii le tiers des habitants est hérétique. Priez pour nous, s'il vous plaît, qui en avons bien besoin, et surtout moi, qui ne vous réponds point à toutes vos lettres, pource que l'on n'est plus en état de faire ce que vous me mandez.
portait péniblement les longues absences- Ce saint directeur l'appli- quait aux oeuvres charitables. Le jour était proche où il devait en faire sa collaboratrice dans la création et l'organisation des confré- ries de la Charité. La vie de Louise de Marillac, que l'Eglise a béatifiée le 9 mai 1920, a été écrite par Gobillon (1676), la com- tesse de Richemont {1883), le comte de Lambel, Monseigneur Bau- nard (1898) et Emmanuel de Broglie (1911). Ses lettres et autres écrits ont été autographiés et en partie publiés dans l'ouvrage qui a pour titre : Louise de Marillac, veuve de M. Le Gras. Sa vie, ses vertus, son es frit, Bruges, 1886, 4 vol. in-i6.
On réservait autrefois aux femmes des chevaliers la qualifica- tion de Madame. Les épouses de simples écuyers, quelle que fût la noblesse de leurs maris, n'avaient droit qu au titre de Mademoiselle. (Historique généalogique et héraldique dei fairs de France, par le chevalier de Courcelles. Paris, 1822-1823, 12 vol. in-4'°, t. I, Intro- duction, p. 36.) Par son mariage, Louise de Marillac était devenue a Mademoiselle » Le Gras.
2. Petite localité de la Marne.
3. Vincent de Paul avait alors pour associés dans ses travaux des missions Antoine Portail, Louis Callon, François du Coudray et Jean de la Salle. Un de ces missionnaires était avec lui à Loisy.
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13. — A ISABELLE DU FAY i
[Octobre ou novembre 1626 -.] Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour jamais !
Votre lettre m'a trouvé parti de Paris et m'a été rendue en ce lieu de Loisy-en-Brie, où nous tâchons à travailler parmi quantité de gens de la religion, où nous avons besoin de prières pour la confi.rmation des catholiques qui restent, n'espérant rien sur les autres, parce qu'ils ne se trouvent es lieux où ils pussent pro- fiter. Au reste, je ne vous ai point donné avis de mon départ. Me le pardonnerez-vous pas bien ? Mais, je vous en prie, comment votre cœur a-t-il reçu cela ? N'a-t-il point tancé le mien de rudesse ? Or sus, j'espère qu'ils s'accorderont bien ensemble en celui qui les contient, qui est celui de Notre-Seigneur.
Je ne vous réponds point à la proposition de votre retour à Paris, pource que j'estime que la chose est faite. Quant à l'affaire dont vous me faites l'honneur de m'écrire que vous désirez me communiquer, au retour, s'il vous plaît ; que si la résolution presse, faites ce aue Notre-Seigneur vous en conseillera lui-même ; sinon, au retour, s'il vous plaît, comme je vous ai dit.
Mon Dieu ! combien sont différentes les filles de
Lettre 13. — Reg. i, i° 4 v°. — Le copiste note que l'original était en entier de la main de saint Vincent.
1. Femme de grande piété, toute dévouée à saint Vincent, qu'elle aidait de sa fortune. Si une gênante infirmité ne l'en avait empêchée, elle aurait pris ime part plus active aux travaux du saint. Son oncle paternel René Hennequin, avait épousé Marie de Ma- rillac, tante de Louise de Marillac.
2. Il suffit de comparer cette lettre avec la lettre précédente pour se convaincre qu'elles ont été écrites à peu de jours d'intervalle, peut- être le même jour.
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votre directeur : l'une toute pleine de respect envers la défense de l'Eglise, et l'autre de confiance à l'égard de l'affaire de Poissy ^ ! Or sus, Notre- Seigneur est éga- lement honoré en toutes deux, à ce que je vois de votre communauté, dont je salue la Mère\
Tenez-vous cependant toute gaie. Mademoiselle, je vous en prie, et honorez à cet effet la sainte tranquillité de l'âme de Notre-Seigneur, et soyez toute pleine de confiance qu'il dirigera votre cher cœur par la sainte dilection du sien, en l'amour duquel je suis votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul. 14. — louise de marillac a saint vincent
Monsieur,
J'espère que vous me pardonnerez la liberté que je prends de 7>ous tcmoigner Vimpatience de mon esprit, tant pour le long séjour passé que sur V appréhension de l avenir^ et de ne savoir le lieu où vous allez, après celui où vous ites. Il est vrai, mon Père, que la pensée du sujet qui vous éloigne est
3. Les religieuses dominicaines tenaient à Poissy (Seine-et-Oise) un pensionnat renommé, où Louise de Marillac avait passé quelque temps dans sa jeunesse, sous la direction d'une cousine germaine de son père, qui a composé diverses poésies, et de la prieure Jeanne de Gondi- A cette dernière avait succédé Louise de Gondi, sa nièce, dont l'élection fut longtemps contestée, bien que sa validité eût été reconnue par le roi, le R. P. Siccus, général des Dominicains, et le Pape lui-même. En 1625, le R. P. Siccus dressa de nouveaux sta- tuts, qu'il fit approuver par le Saint-Siège. L'article 5 portait « que la Mère Louise de Gondy, maintenant prieure, demeure en sa charge, selon la concession apostolique qui lui a été faite ; mais si elle vient à se démettre ou à décéder de cette vie, qu'une prieure nou- velle soit élue par les sœurs vocales suivant les statuts et règlements du concile de Trente, de nos constitutions et des chapitres généraux ; laquelle prieure, ainsi élue et confirmée par le provincial, soit réelle- ment triennale ; et que l'on observe dorénavant et perpétuellement cela touchant l'élection et le temps des prieures ». Cet acte ne ferma pas la bouche aux protestataires. On trouve des détails intéressants sur cette affaire à la Bibl. Nat., fonds Joly de Fleury, 1475.
4. Louise de Gondi.
Lettre 14. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
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un feu d adoucissement à jua feins , niais elle n'empêche pas que, dans ma fainéantise ^ les jours quelquefois ne me sein- blent des mois. Je veux pourtant attendre avec tranquillité Vheure de Dieu et reconnaître que mon indignité la retarde.
j'ai bien reconnu que Mademoiselle du Fay, outre son ordi- naire, a un peu le cœur pressé de désir. Nous passâmes le jour de la Pentecôte ensemble. Après le service, elle eût bien voulu avoir liberté de me parler ouvertement, mais nous demeurâmes dans Vattente et désir de faire la volonté de Dieu.
Uouvrage que sa charité ni'a donné est fait. Si les membres de Jésus en ont besoin et qu'il vous plais£^ mon Père, que je vous l'envoie, je n'y manquerai pas. Je n'ai pas voulu le faire sans votre commandement.
Enfin, mon très hottoré Père, après un peu d'inquiétïide, mon fils est au collège et, grâce à Dieu, très content, et s'y porte bien. Si cela continue, je suis prou forte de ce côté-là ^.
Permettez-moi, mon Père, de vous itnportuner encore sur le sujet d'une fille âgée de 28 [<z«j], qu'on veut faire venir de Bourgogne pour jne donner. Elle est de bonne connaissance et vertueuse , à ce qu on m^ a dit ; mais auparavant celle-là, la bonne fille aveugle des Vertus ^ m'avait dit que celle qui était avec elle, âgée de 22 \ans\ pouvait peut-être venir céans. Elle esr dans la conduite des Révérends Pères de l'Oratoire y a quatre ans et tout à fait villageoise. Je ne suis pas assurée qu'elle veuille venir ; néanmoins elle m'en témoignait quelque désir. Je vous .supplie très humblement, mon Père, vie mander ce que je ferai pour cela.
La personne qui va en Bourgogne doit partir lundi et, pen- sant votre retour cette semaine, je lui promis réponse.
Notre bon Dieu a permis à mon âme plus de sentiment de lui que l'ordinaire depuis un mois ; mais je ne laisse d'être toujours dans mes imperfections. Quand je ne mettrai point d'empê- chement aux effets des prières que j'espère de votre charité, je crois que je m'amenderai.
f'ai bien eu désir, ces jours 'f)assés, que vous vous souvins- siez de me donner à Dieu et que vous lui demandassiez la grâce d'accomplir entièrement en moi sa sainte volonté, no- nobstant les oppositions de ma misère. Doncques, mon Pe^e. je
I- Pour favoriser la vocation de son fils, qui désirait se faire prê- tre, Louise de Marillac l'avait placé au séminaire de Saint-Nicolas- du-Chardonnet, qu'avait fondé et que dirigeait l'austère et vertueux Bourdoise. C'est, semble-t-il, ce séminaire qu'elle appelle ici collège.
2. Localité englobée aujourd'hui dans la commune d'Aubervilliers (Seine).
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vous fais en toute humilité cette su-pplication et vous demande ■pardon de vous tant importuner , étant, par la bonté de Dieu, Monsieur, votre très obligée servante et indigne fille.
L. DE Marillac.
Ce 5 juin 1627.
15. — A LOUISE DE MARILLAC
[Octobre 1627 1.]
Je vous remercie, Mademoiselle, de l'avis que [vous] me donnez de la charité ^ de la bonne Mademoiselle du Fay, et vous prie de la garder jusques à ce que vous ayez lieu, si elle ne trouve pas bon qu'on la réserve et destine pour aller gagner des pauvres âmes à Dieu en ces pays de Poitou et des Céveimes. Que si elle ne l'entend pas ainsi et qu'elle la désire faire appliquer aux pauvres gens de deçà, vous me ferez la faveur de me le mander et d'envoyer deux ou trois chemises à Made- moiselle Lamy ^ à Gentilly "* pour la Charité' de ce lieu- là.
Je vous écris environ la minuit, un peu harassé. Par- donnez à mon cœur s'il ne s'épand un peu plus dans la présente. Soyez fidèle à votre fidèle amant qui est Notre- Seigneur. Soyez de plus toute simple et toute humble. Et moi je serai, en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère...
Lettre 15. ■ — Manuscrit Saint-Paul, p. 77.
1. Cette lettre semble devoir être rapprochée de la lettre suivante.
2. Charité, offrande.
3. Catherine Vigor, femme d'Antoine Lamy, auditeur à la cham- bre des comptes, présidente de la confrérie de la Charité de Gentilly. Antoine Lamy et son épouse fondèrent une mission dans cette loca- lité et à Ferreux, le 30 septembre 1634.
4. Localité située aux portes de Paris.
5. Les confréries de la Charité, ou plus simplement les Charités, se composaient de femmes ou de filles de bonne volonté unies en vue de venir en aide aux nécessiteux. Commencée à Châtillon-les-Dom- bes (Ain) en 161 7, cette institution répondit si bien aux besoins de la
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16. — A LOUISE DE MARILLAC
Verneuil \, 8 octobre 1627. Mademoiselle,
Puisque votre bonne demoiselle veut donc que sa charité corporelle présente n'empêche pas la spirituelle à l'avenir et qu'on distribue présentement ce qu'elle vous a baillé -, je vous prie de nous envoyer par M. du Coudray '', présent porteur, la somme de cinquante livres, et me ferez la faveur de l'assurer que Notre-Seigneur lui en rendra bon compte lui-même et que j'ai commencé d'en appliquer quatre, étant en ce lieu, pour faire fon- dement de la Charité qu'on y établit et où nous trouvons de très grandes nécessités temporelles jointes aux spiri- tuelles, quantité de huguenots qu'il y a, riches, se ser-
population que Vincent de Paul l'établit sur les terres des Gondi, à Villepreux, FoUeville, Joigny, Montmirail, et partout où il alla donner des missions. Les règlements variaient quelque peu suivant les localités. De cette œuvre naquit la Compagnie des Filles de la Cha- rité. En certains lieux, les Charités de femmes furent complétées par des Charités d'hommes.
Lettre 16. — • Pémartin, op. cit., t. I, p. 21.
1. Près de Creil, dans l'Oise.
2. Voir lettre 15.
3. Nous rencontrerons souvent dans la suite le nom de François du Coudray. Né en 1586 dans la ville d'Amiens, ordonné prêtre en sep- tembre 1618, reçu en mars 1626 dans la congrégation de la Mission, dont saint Vincent et Antoine Portail faisaient encore seuls partie, il était doué d'une intelligence peu commune et possédait assez bien l'hébreu pour être jugé capable de faire une nouvelle traduction de la Bible.
Ce fut lui que le saint choisit pour négocier à Rome l'approbation de la congrégation naissante. Il y resta de 163 1 à 1635. Nous le re- trouvons ensuite à Paris, d'où il rayonna en divers lieux pour secou- rir les pauvres, assister les soldats ou donner des missions. Le saint lui confia en 1638 la direction de la maison de Toul, qu'il garda jusqu'en 1641. Il fut rappelé à Saint-Lazare en 1641, passa une partie de l'année 1643 à Marseille, occupé à l'évangélisation des galériens et à la fondation d'un établissement dans cette ville, et alla prendre en
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vant de quelques soulagements qu'ils donnent aux pauvres pour les corrompre, en quoi ils font un mal indicible. Vous nous enverrez de plus quatre chemises et présenterez nos très humbles recommandations à votre bonne demoiselle, s'il vous plaît, et vous ferez la faveur d'assurer votre cœur que, pourvu qu'il honore la sainte tranquillité de celui de Notre-Seigneur en son amour, il lui sera agréable, et que je suis, en ce même amour... ^
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le (aras, rue Saint- Victor, au logis où logeait M. Tiron Saint- Priest ^
17. — A ISABELLE DU FAY
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !
Je rends mille millions d'actions de grâces de ce beau et bon présent que vous nous avez envoyé, Made- moiselle, et prie Dieu qu'il soit votre unique récom- pense et qu'il me fasse digne de la mériter par les services que je suis obligé de vous rendre.
1644 la direction de la maison de La Rose (Lot-et-Garonne). Sa vaste érudition n'était malheureusement pas servie par une science théologique assez solide. Il soutint des opinions plus que hasardées et y persévéra, malgré les avis qui lui furent donnés. Les mesures que saint Vincent dut prendre pour l'empêcher de répandre ses erreur* assombrirent les dernières années de sa vie. De la maison de La Rose, il passa en 1646 dans celle de Richelieu. C'est là qu'il finit ses jours en février 1649, dans sa soixante-troisième année.
4. M. Pémartin a cru pouvoir se dispenser de répéter au bas de chaque lettre la formule finale et la signature.
5. Nous empruntons cette suscription à VHistoire de Mademoiselle Le Gras par la comtesse de Richemont, Paris, 1883, in-8°, p. 46, note 2.
Lettre 17. — Reg. I, î° 24. — Le copiste note qu'il a pris son texte sur une « minute de la main » de saint Vincent.
I
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J'arrivai hier au soir de notre mission en bonne dis- position, et souhaite bien fort que vous vous portiez de même. Soudain que je me serai débarrassé de quelques petites affaires qui m'occupent, je vous irai remercier de tant et tant d'effets de votre bienveillance. Je vous supplie de me la continuer, Mademoiselle, et de croire que mon cœur reçoit ime consolation que je ne vous puis exprimer, en la confiance qu'il est un avec le vôtre et celui de Notre-Seigneur* et qu'ils font un même amour en celui du même Seigneur et de sa sainte Mère
18. — A LOUISE DE MARILLAC
Béni soit Dieu, Mademoiselle, de ce que vous vous portez mieux ! Vous serez la bien venue demain pour communier à la messe de Monsieur de la Salle \ car pour moi, je suis obligé de la dire de matin, ce à cause d'une assemblée d'ecclésiastiques qui se doit faire demain au matin céans, qui tiendra jusques à midi ". Je ne crains pas maintenant tant la chapelle qu'en été. S'il plaît
Lettre 18. — L. a. — Original à Naples, dans la maison centrale des Filles de la Charité.
1. Jean de la Salle, que saint Vincent appelle un it grand mis- sionnaire » et qu': l'évêque de Beauvais estimait le <c plus fort en laisonnement » qu'il eût jamais connu (Conférence de saint Vincent, 5 août 1659), était né à Seux (Somme) le 10 septembre 1598 et avait offert ses services à saint Vincent en avril 1626. En 1631, il prê- chait en Champagne ; en 1634, 1635 et 1636, il travaillait dans la Gironde et les régions environnantes. Quand s'ouvrit, en juin 1637, le séminaire interne de Saint-Lazare, on lui en confia la direction. L'an- née suivante, il reprenait ses missions. Les exercices des ordinands l'occupèrent ensuite jusqu'à la fin de sa vie. Il mourut le 9 octobre 1639, très regretté de saint Vincent, qui perdait en lui un de ses meilleurs ouvriers.
2. L'œuvre des conférences spirituelles ne fut définitivement orga- nisée que plus tard, en 1633. Il est permis de croire toutefois que des conférences se donnaient de temps à autre avant cette date au collège des Bons-Enfants. Nous savons que de nombreux ecclésias- tiques, attirés par Bourdoise et Le Féron, se réunissaient en ce lieu pour conférer ensemble, avant même que saint Vincent eût pris pos-
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à Mademoiselle Guérin " de venir, elle sera la bien venue, avant que je parte, dont je vous donnerai avis.
Et pour l'argent de la Charité de Mademoiselle du Fay, très volontiers j'approuve l'usage que vous en dé- sirez faire, étant au reste bien aise de la résolution que ces bonnes filles * ont prise de mettre tout en commun, et ne manquerai demain à la messe, tout misérable pé- cheur que je suis, de les offrir à Notre-Seigneur, en l'amour duquel je suis votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Sitscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
19. — SAINTE CHANT AL ' A SAINT VINCENT
Novembre 162J.
Vous voilà donc, mon très cher Père, engagé à travailler dans la frovince de Lyo?i. et par conséquent 7ious voilà -pri- vées de voîis voir de longtemps ; mais à ce que Dieu fait il
session de l'immeuble. [Histoire du Séminaire de S aini -Nicolas -du - Chardo7inet, par P. Schoenher, 1909-1911, 2 vol. in-8°, t. I, p. 97.)
3. Epouse de Gilles Guérin, conseiller du roi et correcteur des comptes. Elle habitait rue Saint-Victor, tout près du collège des Bons- Enfants.
4. Probablement les membres de la Charité.
Lettre 19. — Abelly, o-p. cit., t. II, chap. vu, i" éd., p. 315.
I. En novembre 1627, sainte Chantai était en route pour Orléans ; elle arriva à Paris dans le courant de janvier et n'en partit qu'au mois de mai. Jeanne-Françoise Frémiot, née à Dijon le 23 janvier 1572, avait eu quatre enfants de son mariage avec le baron de Chantai.
Devenue veuve très jeune, elle se mit sous la conduite de saint François de Sales et établit avec lui l'ordre de la Visitation. La fon- dation du premier monastère de Paris l'attira et la fixa dans cette ville de 1619 à 1622. Elle y connut saint Vincent, qu'elle demanda à Jean-François de Gondi pour supérieur de ses filles. Jusqu'à sa mort, survenue à Moulins, le 13 décembre 1641, au retour d'un voyage à Paris, sainte Chantai resta en rapports suivis avec ce saint prêtre, qu'elle se plaisait à consulter pour sa direction intérieure et pour les affaires de sa communauté. {La Vie de la Vénérable Mère Jeanne-Françoise Frémiot, par Messire Henri de Maupas du Tour. Paris, 1644, in-40.)
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ny a rien à redire, ains à le bénir de tout, comme je fais, mon très cher Père, de la liberté que votre charité me donne de vous continuer ma confiance et de vous importuner. Je le ferai tout sinfpletnent.
J'ai donc fait quatre jours d'exercices, et non flus, à cause de plusieurs affaires qui me sont survenues. J'ai vu le besoin que fai de travailler à Ihumilité et au support du prochain, vertus que f avais prises Vannée passée et que Notre-Seigneur ma fait la grâce de pratiquer un peu. Mais c'est lui qui a tout fait et le fera encore , s'il lui plaît, puisqu'il m'en donne tant d occasions. Pour mon état, il me semble que je suis dans une sifnple attente de ce qu'il plaira à Dieu faire de moi. Je n'ai ni désirs ni intentions ; chose aucune ne me tient que de vouloir laisser faire Dieu ; encore je ne le vois pas, mais il me semble que cela est au fond de mon aine. Je n'ai point de vue ni de sentiment pour l'avenir^ tnais je fais à l'heure pré- sente ce qui me semble être nécessaire à faire, sans penser plus loin.
Souvent tout est révolté en la partie inférieure, ce qui me fait bien souffrir, et je suis là, sachant que, par la patience, je posséderai mon âme. De plus, j'ai un surcroît d'ennuis pour ma charge, car mon esprit hait grandement l'action, et m.e for- çant pour agir dans la nécessité, mon corps et mon esprit en demeurent abattus. Mon imagination, d'un autre côté, me peine grandement en tous mes exercices, et avec un ennui assez grand. Notre-Seigneur permet aussi qu' extérieurement faie plusieurs difficultés, en sorte que chose aucune ne me plaît en cette vie que la seule volonté de Dieu, qui veut que j''y sois. Et Dieu me fasse miséricorde, que ie vous supplie de lui demander fortement ; et je ne manquerai pas de le prier, comme je fais de tout mon cœur, qu'il vous fortifie pour In charge qu'il vous a donnée.
20. — UN ARBÉ^ A SAINT VINCENT
Décembre lôsy.
Je suis de retour d'un gra^id voyage que j'ai fait en quatre provinces. Je vous ai dJjà mandé la bonne odeur que répand, dans les provinces où j'ai été, l'institution de votre sainte rom-
Lettre 20. — Abelly, of. cit., !iv. II, chap. I, sect. 2, § 8, i'* éd., p. 49. I. Un abbé « fort célèbre », dit Abelly.
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fagnie, qui travaille four l'instruction et four l'édification des ■pauvres de la campagne. En vérité, je ne crois pas qu'il y ait rien en V Église de Dieu de plus édifiant ni de plus digne de ceux qui portent le caractère et l'ordre de Jésus-Christ. Il faut prier Dieu qu'il donne l'infusion de son esprit de persévérance à un dessein si avantageux pour le bien des âmes, à quoi bien peu de ceux qui sont dédiés au service de Dieu s'appliquent comme il faut.
21. — LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT
Monsieur,
Il y a environ trois semaines qu'étant chez Mademoiselle du Fay, je trouvai une occasion par laquelle je vous écrivis ; mais je crains que mes lettres aient été perdues. Le principal sujet était un avis que je vous demandais pour mon fils. Mais main- tenant. Monsieur, je ne suis plus aux mê^nes termes; car, soit que Dieu ne le veuille pas tout présentement en la réso- lution de se faire ecclésiastique, ou que le monde s'y soit opposé, ses ferveurs sont de beaucoup diminuées ; et lui trouvant un si grand changem.ent en l'esprit, j'en ai parlé librement à la Mère supérieure, qui m'a conseillé de le mettre simplement pensionnaire avec ces bons ecclésiastiques ', pour les raisons que je vous dirai, si Dieu me fait la grâce de voir votre retour, dont j'ai un grand besoin. .
Certainement votre absence ne me fut jamais plus sensible, pour les besoins que j'ai eus depuis ; en quoi il faut que j'avoue ma faiblesse, vous assurant, mon Père, que, si Dieu me fait la grâce me souvenir du passé, je n' aurai pas sujet de me glorifier. Je demande force de l'aide de vos prières, pour l'amour de Dieu, et vous remercie très humblement de la peine que vous avez prise de m'écrire et des té^noignages de l'hon- neur de votre souvenir. Je ne le -mérite pas, et Dieu est bien bon de me souffrir. Or, mon très cher Père, offrez ma volonté à la miséricorde divijte, car je veux, moyennant sa sainte grâce, me convertir et me dire véritablemejtt. Monsieur, votre très humble servante et indigne fille ett Notre-Seigneur.
L. DE MaRILLAC. Ce ij janvier 1628.
Mademoiselle du Fay est toujours dans ses infir?nités cor-
Lettre 21. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. I. Au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
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■poreLles et a fresque toujours été au lit depuis quinze jours, sans fièvre néanmoins ; elle désire bien votre retour.
Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.
22. — A LOUISE DE MARILLAC Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour jamais !
Je ne sais comme je m'étais imaginé, ces jours passés, que vous étiez malade, si bien que je vous regardais toujours en cet état. Or, béni soit Dieu de ce que votre lettre m'a assuré du contraire !
Que vous dirai- je maintenant de votre ûls, sinon que, comme il ne fallait pas se beaucoup assurer sur le sentiment qu'il avait de la communauté \ qu'aussi il ne faut pas se mettre en peine pour le dissentiment qu'il en a maintenant ? Laissez-le donc et le livrez entière- ment au vouloir et non-vouloir de Notre- Seigneur. Il n'appartient qu'à lui à diriger ces petites et tendres âmes. Il y a aussi plus d'intérêt que vous, pource qu'il lui appartient plus qu'à vous. Lorsque j'aurai le bonheur de vous voir, ou plus de loisir qu'à présent de vous écrire, je vous dirai la pensée que j'eus un jour et que je dis à Madame de Chantai sur ce sujet, dont elle fut consolée et délivrée, par la miséricorde de Dieu, de quelque peine semblable à celle que vous pouvez avoir ^. A notre première vue donc ; et si votre autre peine vous peine, écrivez-le-moi, je vous ferai réponse.
Lettre 22. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la rue des Bernardins, 15, à Paris, qui le tiennent de M. Duby, ancien curé de la paroisse. Il aurait appartenu autrefois aux religieux de l'abbaye de Saint-Victor.
1. Le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardoonet.
2. Celse-Bénigne, fils de sainte Chantai, mort le 22 juillet 1627,
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Disposez-vous cependant à faire une charité à deux pauvres filles que nous avons jugé expédient qu'elles sortent d'ici et lesquelles nous vous adresserons d'ici à huit jours et vous prierons de les adresser à quelque honnête recommanderesse qui leur trouve condition, si vous ne connaissez quelque honnête dame qui en ait besoin.
Nous aurons encore ici de l'emploi pour environ six semaines ; et après cela, je serai tout à vous et à Made- moiselle du Fay, laquelle je salue de toute l'étendue de mon cœur, et prie bien Dieu que je vous trouve en bonne disposition, qui suis, en l'amour de Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Joigny ■■', ce 17 janvier 1628.
23. — A LOUISE DE MARILLAC
Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !
J'ai adressé une des filles dont je vous ai parlé \ à notre boime Mademoiselle du Fay, pource qu'elle y a de la confiance, l'autre étant demeurée à Joigny et s'étant mise en conditioiL Peut-être que madite demoi-
en combattant, dans l'île de Ré, contre les Anglais, fut, toute sa vie, surtout par sa passion pour les duels, le tourment de sa mère.
3. Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères, était comte de Joigny, où saint Vincent avait fondé sa troisième confrérie de la Charité. (Abelly, of. cit., t. I, chap. X, i" éd., p. 47.)
Lettre 23. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Voir la lettre 22.
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selle jugera à propos qu'elle demeure quelques jours, en attendant, chez vous. Si cela est, je ne doute point que votre charité ne s'y accorde et qu'elle n'agrée la confiance avec laquelle j'agis avec vous.
.Te ne vous dis rien de ce que vous m'avez écrit, pour- ce que j'espère de vous voir pendant la fin de ce mois et d'en parler bouche à bouche.
Que diriez-vous, ma chère fille, du département " qui m'est tombé en notre mission, en l'une des terres de Monsieur de Vincy ^ ? Certes, il me semble, confessant ces bonnes gens, que je vois devant moi leur bonne Mademoiselle ^ qu'ils aiment tant. Ne pensant pas de vous pouvoir écrire, je l'ai priée, par celle que je lui écris, de vous prier de nous envoyer une douzaine de chemises de toute sorte. Faites-le donc. Mademoiselle, je vous en prie, et tenez-vous bien gaie, dans la dispo- sition de vouloir tout ce que Dieu veut ^. Et pource que son bon plaisir est que nous nous tenions toujours en la sainte joie de son amour, tenons-nous-y et atta- chons-nous-y inséparablement en ce monde, pour être un jour une même chose en lui, en l'amour duquel je suis. Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Villecien ^, ce g février 1628.
2. Défariemeni, part.
3. Antoine Hennequin, sieur de Vincy, prêtre, frère de Made- moiselle du Fay, mort en 1645, après avoir été reçu dans la congré- gation de la Mission. C'était un grand ami de saint Vincent.
4. Mademoiselle du Fay.
5. Le saint pensait sans doute aux inquiétudes qu'éprouvait Louise de Marillac au sujet de la vocation de son fils. « Soyez gaie », c'est le conseil qu'il ne cesse de lui donner.
6. Petite localité près de Joigny,
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24. — A LOUISE DE MARILLAC
[Février 1628 ^.] Mademoiselle,
La grâce de Nôtre-Seigneur soit avec vous pour jamais !
Ce petit nombre de lignes sera pour vous remercier de ce que vous avez pris cette bonne &lle chez vous, des douze chemises que vous m'avez envoyées et pour vous dire [que je m'en vas] ^ partir, pour m'en retourner dans huit jours, Dieu aidant, et qu'alors nous parlerons de toutes choses, disant cependant par avance à votre cœur que je loue Dieu de ce qu'il s'est dégagé du trop grand attachement qu'il avait pour le petit ' et de ce que vous l'avez ajusté à la raison et que [maintenant] il n'y a point danger, ains que vous ferez [selon] son incli- nation et de lui doimer la soutane *. Dieu veuille que ce soit à sa gloire et au salut des âmes et qu'il vous donne part à la sainte tranquillité de son esprit, étant, en son amour, votre très humble serviteur.
Vincent Depaul.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras, à Paris.
Lettre 24. — L. a. — Original chez les Filles de la Charité de la rue Mage, n° 20, à Toulouse-
1. Cette lettre a suivi de peu de jours la lettre 23.
2. 1.,'original est mutilé ici et en deux autres endroits.
3. Le petit Michel.
4. Claude Lancelot, du Port-Royal, condisciple du petit Michel au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dit dans ses Mémoires {Mémoires touchant la vie de Monsieur de Saint-Cyran, Cologne, ^73^5 2 vol. in-SP, t. I, p. 3), avec quelque exagération peut-être, que parmi les séminaristes de son temps pas un ne persévéra.
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25. — LE COMMANDEUR DE SILLERY^ A SAINT VINCENT
[Entre 1625 et i6jo 2.]
Monsieur mon Révérend et très cher Père,
Je ne doute -point que, connaissant, comme vous faites, le Coeur de votre chétif fils, que vous n'ayez voulu, par votre tant aimable et si cordiale lettre, le remplir de tant de douceurs de votre exubérante bonté, quencore qu'en matière de cordia- lité il ne cède à personne, vous Vobligez néanmoins à vous rendre les armes et à vous reconnaître, ainsi quil fait très vo- lontiers en cela et en tout, pour son maître et son supérieur. Et de vrai, il faudrait être bien rude et bien agreste pour ne pas
Lettre 25. — Abelly, of. cil,, t. I, chap. xxxn, i''^ éd., p. 149.
Le texte d'Abelly doit être préféré, semble-t-il, à celui qu'on lit dans la Vie de Villustre serviteur de Dieu Noël Briilart de Sillery, Paris, 1843, in-i2, p. 30.
1. Noël Brulart de Sillery, chevalier de Malte et commandeur de Troyes, est l'une des plus belles conquêtes de saint Vincent. Après avoir rempli à la cour les plus hautes charges, après avoir été le premier écuyer de la reine, puis son chevalier d'honneur, ambassa- deur extraordinaire en Italie, en Espagne et plus tard à Rome auprès des Papes Grégoire XV et Urbain VIII, il renonça à la vie publi- que, quitta le magnifique hôtel de Sillery, vendit ce qu'il avait de plus somptueux, licencia la plus grande partie de son personnel et vint habiter une modeste maison près du premier monastère de la Visitation. C'était sur la fin de l'année 1632. Saint Vincent, son directeur, avait su opérer ce miracle. Quand il vit le commandeur détaché de tous les biens du monde, il lui apprit à faire bon usage de son immense fortune. Il le conduisit dans les prisons, les hôpi- taux et l'initia à la charité sous toutes ses formes. Noël Brulart de Sillery prit la soutane en 1632 et reçut les ordres sacrés et la prêtrise en 1634. Il dit sa première messe le jeudi saint 13 avril 1634 dans la chapelle des sœurs de la Visitation. Sa vie de prêtre fut courte, mais toute de charité. Il donna beaucoup aux congrégations religieuses, plus particulièrement à la Visitation, aux prêtres de la Mission, au monastère de la Madeleine, aux jésuites et au Carmel. Il essaya sans succès d'organiser un séminaire dans la maison du Temple à Paris. Dieu le rappela à lui le 26 septembre 1640, à l'âge de soixante-trois ans. Saint Vincent l'assista à ses derniers moments et fit lui-même la cérémonie des obsèques. Cf. Vie de Villustre serviteur de Dieu Noël Brulart de Sillery ; Histoire chronologique, t. I, pp. 290-307 ; Contribution à PHistoire du monastère de la Visitation Sainte-Marie du faubourg Saint-Antoine au xvii« siècle, par Martin Fosseyeux, dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de Vlle-de- France, 1910, pp. 184-202.
2. Le commandeur de Sillery était déjà sous la direction de saint Vincent en 1630 ; d'autre part, sa conversion date de 1625.
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fondre tout en dilection pour une charité si mjioureusejnent exercée -par un si digne et si débonnaire -père envers un fils qui ne lui sert qu'à lui donner de la peine. Mais il n'y a remède. Je reçois humblement et volontiers la confusion de toutes les pauvretés et faiblesses que vous supportez en mot, après vous en avoir, en toute révérence et soumission, requis pardon. Je vous protnets bien, mon très cher Père, que c'est à bon escient que j'ai bonne envie, moyennant la grâce de Notre-Seigneur, de m'en amender. Oui certes, mon unique Père, il jn'est avis que je ne me suis jamais senti touché pour ce regard jusques au point où je me trouve. Oh ! que si nous pouvons et venons à travailler efficacement à un bon ametidement de tant de misères dont Votre Révérence sait que je suis retnpli et environné de tous côtés, je suis assuré qu'elle en recevra des consolations indicibles. Et quand ce bien n'arriverait pas si promptement ou si 7totablement que votre piété le désire, je vous conjure, mon bon Père, per viscera misericordiae Dei nostri in quibus visi- tavit no^ oriens ex alto ^, que votre bonté ne se lasse point et ne veuille jam,ais délaisser ce pauvre fils; vous savez bien qu'il serait sous une trop mauvaise conduite s'il demeurait sous la sienne.
26. — AU PAPE URBAIN VIII
[Juin 1628 1.] Sanctissimo Patri Papae nostro,
Supplicant humiliter \^incentius de Paulo, superior
3. Evangile de saint Luc, I, 78.
Lettre 26. — L. a. — Arch. de la Propagande, III, Lettere di Francia, Avignone, Suizzera, 1628, n° 130, f° 31, original. Ce docu- ment a été découvert, après de patientes recherches, par M. Jean Parrang, prêtre de la Mission. Il est en parchemin et d'une écriture fort belle, qui recouvre cinq grandes pages in-4°. Le nonce aposto- lique en France envoya et recommanda cette supplique, le 21 juin 1628, au cardinal-préfet de la Propagande. Le 23 juillet, il transmit à Mgr Ingoli, secrétaire de la même congrégation, deux lettres du roi, l'une au Pape, l'autre à l'ambassadeur de France, M. de Bé- thune, en faveur de la requête présentée par saint Vincent, et il insista pour l'adoption. Ces recommandations n'aboutirent à rien. La supplique fut rejetée par la Propagande dans la congrégation tenue en présence du Pape le 22 août 1628, sur le rapport défavo- rable fait par le cardinal Bentivoglio. Tout au plus se montrait-on disposé à autoriser, pour la France seulement, une société de vingt à vingt-cinq prêtres, qui ne porterait ni le titre de congrégation, ni celui de confrérie et serait sous la dépendance des évêques-
I. Voir la note générale.
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sacerdotum Missionis Lutetiae Parisiorum fundatae, et magister Ludovicus Callon, doctor Sorbonicus ", Anto- nius Portail ', Franciscus du Coudray, Joannes de la
2. Au dire du R. P. Placide Gallemant \^La vie du vénérable fres- ire de J.-C. M. Jacques Gallemani, Paris, 1653, in-4°, p. 231), Louis Callon, docteur de Sorbonne, était de ces hommes a en qui la sain- teté, la science, le zèle et la simplicité avaient fait une belle al- liance ». A ces dons s'ajoutaient ceux de la fortune, car ses parents lui avaient laissé de cinquante à soixante mille livres, somme im- portante pour l'époque- Il abandonna la cure d'Aumale, son pays natal, pour entrer en juillet 1626 dans la congrégation de la Mis- sion. Après un séjour d'assez courte durée au collège des Bons-En- fants, il revint à Aumale, du consentement de saint Vincent, qui continua de le regarder comme un des siens. Le bien qu'il y fit est considérable. Il fonda un collège dans sa maison paternelle, acheta une maison pour l'école des filles, vint en aide à l'église paroissiale, à l'hôpital, au couvent des religieux pénitents. Les Feuillants de Rouen et d'autres communautés bénéficièrent également de ses lar- gesses. Le 23 août 1629, il remettait 4.000 livres à saint Vincent pour une fondation de missions qui devaient se donner tous les deux ans par deux prêtres de la congrégation dans le diocèse de Rouen et plus spécialement dans le doyenné d'Aumale. Il prêcha lui-même dans les diocèses de Rouen, Paris, Meaux, Chartres et Senlis. Au milieu de ses travaux, il trouva le temps d'écrire divers ouvrages de piété, entre autres un Traité four la fréfaration à la sainte com- munion, Rouen, et Le catéchisme de la chasteté honorable, Paris, 1639. Sentant sa fin prochaine, il quitta Rouen pour aller mourir à Saint-Lazare ; mais le mal l'empêcha de dépasser Vernon, où il s'éteignit, le 26 aovit 1647, dans le couvent des religieux du Tiers- Ordre de Saint-François. Le R. P. Placide Gallemant, son ami, lui a consacré quelques pages de son livre sur Jacques Gallemant. (O-p- cit., pp. 319-328.)
3. Antoine Portail, né à Beaucaire, le 22 novembre 1590, vint à Paris pour étudier en Sorbonne. Il y connut saint Vincent vers 1612 et s'attacha à lui. Du jour de son ordination (1622) à celui de sa mort (1660), il fut l'auxiliaire du saint, qui l'employa d'abord au service des galériens, le reçut avant tout autre dans sa nouvelle con- grégation, l'initia au ministère des missions et à l'œuvre des ordi- nands, le choisit comme premier assistant en 1642 et lui donna la direction des Filles de la Charité. Antoine Portail quitta Paris en 1646 pour faire la visite des maisons de sa congrégation ; il com- mença par l'ouest de la France, yjuis descendit dans le midi, passa en Italie et ne fut de retour à Saint-Lazare qu'en septembre 164g. Sauf une assez longue absence en 1655, il ne quitta presque plus la maison-mère. On lui doit une nouvelle édition des Méditations de Busée, qu'il remania et augmenta considérablement. La mort l'enleva le 14 février 1660, après une maladie de neuf jours. (Notices sur les prêtres, clercs et frères défunts de la Congrégation de la Mission, Paris, 1881-1911, 10 vol. in-8° en 2 séries, i" série, t. I, pj). 1-94-)
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Salle, Joannes Bécu \ Antonius Lucas '\ Josephus Bru- net ^, Joarmes Dehorgny ', dioecesum Aquensis, Rotho- magensis, Arelatensis, Ambianensis, Parisiensis, Claro- raontensis, Noviomensis, irmuentes supranominati sup- plicantes quod, cum dominus Philippus Emmanuel de Gondy, cornes Juniocensis, marquio Insularum Aurea- rum, eques torquatus utriusque ordinis ^, Régis a con-
4. Jean Bécu était de Braches (Somme), où il naquit le 24 avril 1592. Il fut ordonné prêtre en septembre 1616 et vint, en septembre 1626, se joindre aux premiers compagnons de saint Vincent. Deux de ses frères, Benoît et Hubert, le suivirent dans la congrégation, ce dernier à titre de frère coadjuteur, et une de ses sœurs entra chez les Filles de la Charité. La direction de la maison de Toul lui fut confiée de 1642 à 1646. De retour à Paris, il y passa le reste de sa vie. Il mourut le 19 janvier 1667, après avoir exercé les charges de vice-visiteur, puis de visiteur de la province de France. [A^otices, t. I, pp. 125-133.)
5. Antoine Lucas, né à Paris le 20 janvier 1600, avait fait de for- tes études en Sorbonne. Il entra dans la congrégation de la Mis- sion en décembre 1626 et fut ordonné prêtre en septembre 1628. Son zèle, son talent pour la prédication, son habileté dans les controverses le firent apprécier du P. de Condren et de Jean-Jacques Olier, qui le demanda un jour à saint Vincent pour son instruction personnelle et la conversion d'un hérétique. Antoine Lucas était de la maison de La Rose en 1645. Il dirigea l'établissement du ^lans de 1647 ^ 165 1 et fut ensuite placé à Sedan.
6. Jean-Joseph Brunet naquit à Riom en 1597, s'unit aux compa- gnons de saint Vincent en 1627, donna des missions dans le Bordelais, fut placé à Alet, à Gênes et à Marseille, où il mourut le 6 août 1649, victime de son dévouement pour les pestiférés. [Notices, t. I, pp. i^-j-iz,)..)
7. Jean Dehorgny, d'Estrées-Saint-Denis (Oise), entra dans la congrégation de la Mission au mois d'août 1627 et fut ordonné prê- tre le 22 avril 1628. En 1632, quand saint Vincent s'établit à Saint- Lazare, Jean Dehorgny prit la direction du collège des Bons-Enfants, charge qu'il remplit jusqu'en 1635 et qu'il reprit de 1638 à 1643 ^t de 1654 à 1659. Il fut de 1642 à 1644 et de 1654 à 1667 assistant du supérieur général, de 1644 à 1647 et de 1651 à 1653 supérieur de l'établissement de Rome, de 1660 à 1667 directeur des Filles de la Charité. En 1640, 1641, 1643, 1644, 1659 et 1660, il visita plusieurs maisons de la compagnie et rétablit le bon ordre partout où il en était besoin. Sa sympathie pour les idées jansénistes nous vaut deux belles lettres de saint Vincent, qui eut la joie de le voir revenir à des idées plus saines. Il vécut jusqu'au 7 juillet 1667. On a de lui vingt-trois conférences aux Filles de la Charité et plusieurs lettres. (Notices, t. I, pp. 153.220.)
8. Les ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit.
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siliis, dux quinquaginta cataphractorum militum, mari gallicane in Oriente praepositus et generalis regiarum triremium praefectus, modo congregationi Oratorii Jesu in dicta urbe Parisiensi aggregatus, ab aliquot annis attentius considerasset, cum defuncta domina Fran- cisca Margarita de Silly, tune temporis ejus uxore, ba- rona Montis-Mirabilis,Trosnay et aliorum locorum, cum dicto Vincentio de Paulo, tune eorum eleemosyna- rio et supradictae dominae confessore, urbium incolas omni auxilio spirituali sufiicienter juvari celebrium doc- torum et proborum religiosorum beneficio qui in iisdem urbibus passim habitant, solum populum rure degentem, ignorantia et paupertate oppressum, iisdem auxiliis des- titui quibus alii in urbibus abundant, proptereaque eumdem populum in perpétua mysteriorum iidei ad sa- lutem necessariorum ignorantia ad senectutem usque remanere, sicque misère in peccatis adolescentiae saepe decedere, quae, nimio pudore praepediti, apud paro- chos aut vicarios, utpote sibi notos et f amiliares, non au- dent deponere, existimaverunt supradicti huic tam ur- genti malo remedium aliquod adhiberi posse missionum beneficio, quae tune in oppidts et pagis intra eorum dominia contentis factae sunt a supplicante Vincentio de Paulo et aliis ecclesiasticis probatis, doctrina et mo- rum integritate conspicuis, autoritate Reverendissimo- rum Dominorum Episcoporum eorum locorum : quod adeo féliciter successit ut, cognito et praesentia sua com- probato fructu et emolumento quod inde ad gloriam omnipotentis Dei redundaret ex confessionibus genera- libus de intégra vita quas multa oppida et pagi inte- gri amplexi sunt, emendatione vitae et meliore fruge plurimorum, imo etiam aliquorum haereticorum in si- num sanctae Romanae Ecclesiae receptorum conversione, supramemoratus dominus et domina hoc pium opus mis-
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sionum perpetuum reddere decreverunt ; quod fecerunt eleemosyna, anno Domini millesimo sexcentesimo vige- simo quinto erogata, quadraginta quinque millium francorum, in sustentationem et alimoniam aliquot ec- clesiasticorum, qui, prius relictis omnibus beneûciis et officiis quae in urbibus haberent, imo et spe ad il la in posterum obtinenda deposita, simul habitare et in con- gregatione vivere decrevissent et in salutem pauperis populi rusticani ex professe incumbere vellent sub di- rectione dicti Vincentii de Paulo, supplicantis ; qua fun- datione a Reverendissimo Domino Archiepiscopo Pari- siensi approbata et con&rmata, nominatus Vincentius de Paulo, ab eodem Domino Archiepiscopo constitutus su- perior, associavit et aggregavit sibi supramemoratos ; qui presbyteri ®, ut facilius et utilius possint saluti pau- perum rusticanorum incumbere, relictis benefi-ciis quibus quidam illorum gaudebant, et aliis conditionibus in qui- bus alii in urbibus occupabantur, simul congregati sunt, et, societatem conficientes, in ea vivunt sub titulo et no- mine Sacerdotuni Missionis aut Missïonariorum et sub directione et correctione dicti Vincentii de Paulo, toti incumbentes in salutem «populi rure commorantis, quem propterea adeunt, ab oppido ad oppidum, a pago in pagum transeuntes, conciones, exhortationes habent ad populum, edocent unumquemque, et publiée et privatim, catechismum, mysteria fidei ad salutem necessaria, quae ut plurimum penitus ignorantur, ad confessiones géné- rales de tota vita disponunt casque excipiunt, haeretico- rum conversionem procurant, terminant lites et dissidia, inimicitias et odia conciliant, confraternitatem Charita- tis erectam ad subveniendum saluti corporis et animae pauperum morbo detentorum, ubi nécessitas expetit,
9. Tous les signataires de cette supplique étaient prêtres, sauf Antoine Lucas, qui le devint trois mois après.
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instituunt ; haecque omnia pia opéra jam exercent non modo in pagis et oppidis ad dominum et dominam fun- datores pertmentibus, quae loca snigulis quinquenniis adiré ibique praedicta officia exercera tenentur, verum etiam in multis aliis partibus et dioecesibus huius re- gni Franciae felici successu laboraverunt, adjuvante Dei gratia, ut m archiepiscopatu Senonensi, m dioecesibus Catalonensi, m Campcinia, Trecensi, Suessonensi, Bello- vacensi, Ambianensi et Camutensi, semper cum magna satisfactione Reverendissimorum Dominorum Archi- episcoporum et Episcoporum dictorum locorum, cum sa- lute miseri populi et incredibili omnium aedificatione. Ouae omnia pia opéra semper suscipiunt sumptibus et impensis dictae congregationis, quae nullam laborum suorum mercedem aut compensationem temporalem re- cipit aut expectat.
Propter dictas causas, Sanctissime Pater, et quia per- petuitas hujus pii operis ad salutem et conversionem proximi plurimum conferre potest, placeat Sanctitati Vestrae approbare et confirmare dictam congregatio- nem et, in quantum opus est, de novo erigere, Vestram benedictionem supra illam extendere dictumque Vincen- tium instituera in institutorem praepositum generalem dictorum sacerdotum, necnon et aliorum ad societatem eorum promoveri cupientium et reliquorum ad familiaria officia necessariorum ^° dictae congregationis Missionis nuncupatae, qui simul et in societate religiose vivere et in humilitatis spiritu et piae vitae studiis Altissimo fa- mulatum exhibera et impendere voluerint, quorum prin- cipale ac praecipuum institutum erit propria e per fac- tion! et incolarum rure degentium totaliter incumbere, cum plena et omnimoda facultate, potestate et auctori-
lo. Ces mots s'enteiiflent des frères co.idjuteiirs ; il n'y avait alors dans la compagnie que -es frères Jean Jourdairt et Hector.
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tate eidem Vincentio jampridem per dominum Archiepis- copum Parisiensem ad id assumpto et a dominis fun- datoribus summopere desiderato, ut praedictam congre- gationem hujusmodi tam in civitate Parisiensi quam in omnibus aliis civitatibus, oppidis, terris et locis ad quae a locorum Episcopis vocatus fuerit, et non alias, ins- tituendi ", ac demum pro felici statu et directione per- sonarum ac bonorum spiritualium et temporalium ejus- dem congregationis seu congregationum sic erigenda- rum, tum circa receptionem et admissionem, numerum, aetatem et qualitates in ipsa congregatione recipien- dorum et admittendorum, eorumque instructionem et disciplinam, exercitia, ac modum ac formam divinorum officiorura, precum et orationum aliorumque suffragio- rum recitandorum, et alia ipsis congregationibus uti- lia atque necessaria, quaecumque statuta, ordinationes, alia ipsis congregationibus et capitula licita et honesta sacrisque canonibus et constitutionibus apostolicis nec- non Concilii Tridentini decretis minime contraria, a Sancta Sede Apostolica postmodum approbanda, con- firraanda ac per ipsarum congregationum praepositum, presbytères, officiales, ministros et coadjutores, sub poe- nis apponendis, adimplenda et observknda, faciendi, edendi et condendi, factaque, édita et condita, quoties pro illorum ac rerum et temporum qualitate et vicis- situdme, seu alias videbitur, corrigendi, limitandi, im- mutandi, alterandi ac etiam alia, ut praefertur, adim- plenda et observanda, ex integro faciendi et condendi, aliaque omnia et singula similium congregationum, nec- non quorumcumque ordinum approbatorum constituto- ribus aut aliis superioribus etiam generalibus, de jure vel consuetudine, sive ex privilegio, aut alias quomodo-
II. La con<jrégation de la Mission n'avait alors d'autre établisse- ment que le collège des Bons-Enfants.
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cumque fieri et exsequi solita, faciendi et exequendi, dicta auctoritate deputare et assumere ;
Omnesque alias ad instar supradictae canonice eri- gendas congregationes quas ab ea Parisiensi et a dicto praeposito generali quocumque locorum stabilitae fue- rint, in omnibus dependere plaçeat Sanctitati Vestrae, ex nunc prout postquam auctoritate praedicta erectae fuerint, eisdem auctoritate et tenore perpetuo appro- bare et confirmare ;
Dictosque praepositum, presbyteros et quascumque personas dictae congregationis liberare a jurisdictione suorum Ordinariorum et a Sancta Sede Apostolica de- pendere placeat Sanctitati Vestrae, ita tamen ut dictae personae obedire teneantur Reverendissimis Dominis Episcopis et Dioecesanis suae residentiae circa missio- nes, etiam pergere quocumque et ad quoscumque eos mittent, absque ulla excusatione super quovis praetextu lundata, excepta indispositione corporis aut nimio la- bore praecedente, qui aliquam quietem ad resumendas no vas vires requiret ;
Et postremo eisdem congregationibus, ex nunc prout etiam postquam institutae et erectae fuerint, ut praefer- tur, pro illarum dote ac dicti Vincentii, necnon praepo- siti generalis et presbyterorum eorumdem pro tempore existentium sustentatione onerumque illis incumbentium supportatione, omnia et singula, res, bona, fructus, re- ditus et legata jam facta et facienda tam per dictum dominum Gondium et dominam Franciscam Marga- ritam de Silly, fundatores, quam alios quoscumque christifideles dictis congregationibus quomodolibet re- linquenda, donanda et elargienda, ita quod liceat dicto Vincentio vel alii praeposito generali et presbyteris dic- tarum congregationum pro tempore existentibus, illo- rum omnium corporalem, realem et actualem posses-
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sionem, per se vel per alium seu alios, dictarum congre- gationum nomine, libère apprehendere et perpétue reti- nere, fructus quoque, reditus et proventus, jura, obven- tiones et emolumenta quaecumque eorumdem percipere, exigere, levare, recuperare ac m dictarum congregationum usus et utilitatem convertere, Dioecesani loci vel cujusvis alterius licentia desuper minime requisita, et etiam per- pétue applicare.
Et ad augendam fidelium devotionem animarumque saluti consulendum, et ut christifideles ad hujus Insti- tuti exercitium animentur atque mnitentur, supplicanl Sanctitatem Vestram dicti oratores ut placeat illis con- cedere omnes facultates quas solita est concedere reli- giosis et sacerdotibus saecularibus quos Sua Sanctitas mittit in Missiones in partes inûdelium :
Scilicet potestatem apostolicam concionandi, cate- chisandi, excipiendi confessiones, instituendi confrater- nitatem Charitatis ubique locorum, semper sub benepla- cito Reverendissimorum Dominorum Episcoporum ;
Potestatem absolvendi ab omnibus censuris ecclesias- ticis et dispensandi de irregularitatibus occultis, com- mutandi vota et absolvendi ab omnibus casibus Vestrae Sanctitati reservatis etiam in Bulla Coenae Domini ;
Potestatem quoque dictis missionariis legendi libros haereticorum et absolvendi ab haeresi, applicandi ple- nariam indulgentiam om.nibus qui instituunt confes- siones générales iisdem missionariis et aliis ecclesias- ticis qui ad missiones ab illis assumentur ;
Instituendi orationem quadraginta horarum in locis in quibus expedire credent, et applicandi plenariam indulgentiam iis qui, ea durante, conûtebuntur et sa- cram Eucharistiam sument ;
Célébra ndi sacrum Missae sacriûcium super altaria portatilia, celebrandi etiam hora ante auroram et post meridiem ;
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Moderandi et remittendi restitutiones débitas proptcr incursam simoniam ;
Benedicendi ornamenta Ecclesiae.
L. Gallon, F. du Coudray, A. Portail, J. de la Salle, J. Bécu, A. Lucas, J. Brunet, J. Dehorgny, Vincent De- paul ^".
27. — A LOUISE DE MARILLAC
Oui enfin, ma chère demoiselle, je le veux bien. Pour- quoi non ? puisque Notre-Seigneur vous a donné ce saint sentiment. Communiez donc demain et vous pré- parez à la salutaire revue que vous vous proposez, et après cela vous commencerez les saints exercices ^ que vous vous êtes ordonnés. Je ne saurais vous exprimer combien mon cœur désire ardemment voir le vôtre pour
12. Le personnel de la congrégation naissante comprenait encore Jacques Régnier, reçu au mois d'août 1627 et ordonné prêtre en 1631, deux frères coadjuteurs et peut-être Robert de Sergis, reçu au mois de juin 1628. Jacques Régnier ne signa pas la supplique, très proba- blement parce qu'il n'était pas encore prêtre, ni sur le point de le devenir. — Nous nous contenterons de donner la traduction de la sup- plique du i'^'" août, qui ne diffère de celle-ci que par deux courtes additions et des modifications de pure forme.
Lettre 27. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
Cette lettre est tout entière reproduite par Abelly, qui la fait pré- céder de ces mots : « Cette fidèle servante de Jésus-Christ se sentit fortement touchée en ses oraisons de s'adonner au service des pau- vres ; sur quoi ayant demandé l'avis de M. Vincent, il lui fit cette réponse. » (Op. cit., t. I, chap. xxiii, p. 105.)
Mgr Baunard (La Vénérable Louise de Marillac, Paris, 1898, in-8°, p. 43, note i) pense qu'Abelly se trompe. La lettre serait, d'a- près lui, un simple encouragement aux exercices d'une retraite, que de- vait accompagner une confession générale. Nous sommes plutôt de l'avis d'Abelly. S'il n'y avait eu en Louise de Marillac que le désir de faire une retraite et une revue de sa vie, saint Vincent ne lui aurait fias répondu : a Je ne saurais vous exprimer combien mon cœur dé- sire ardemment voir le vôtre pour savoir comme cela s'est passé en lui » et « Oh ! quel arbre vous avez paru auiourd'hui aux yeux de Dieu, puisque vous avez produit un tel fruit ! » Il s'agit, semble- t-il, d'une grave résolution que venait de prendre Louise de Marillac. I^'explication d'Abelly est plus naturelle ; nous l'adoptons.
I. Les exercices de la retraite.
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savoir comme cela s'est passé en lui, mais je m'en veux bien mortifier, pour l'amour de Dieu, auquel seul je désire que le vôtre soit occupé.
Or sus, je m'imagine que les paroles de l'Evangile de ce jour - vous ont fort touchée. Aussi sont-elles pres- santes au cœur aimant d'un parfait amour. Oh ! quel arbre vous avez paru aujourd'hui aux yeux de Dieu, puisque vous avez produit un tel fruit ! A jamais puissiez-vous être un bel arbre de vie produisant des fruits d'amour, et moi, en ce même amour, votre ser- viteur.
V. D.
28. — AU PAPE URBAIN VIII
Sanctissimo Patri Nostro Papae. Supplicant humiliter... et supradictae dominae con-
2. Cette lettre a été écrite le septième dimanche de la Pentecôte, car c'est ce jour-là qu'on lit, à la messe, l'évangile du bon et du mau- vais arbre. D'autre part, on peut conjecturer que Louise de Marillac prit la résolution de se consacrer au service des pauvres avant de se donner à saint Vincent pour la visite des confréries de la Charité, par conséquent avant le 6 mai 1629. Ces deux remarques nous por- tent à penser que la lettre ci-dessus pourrait bien être du 30 juillet 1628.
Lettre 28. — L. s. — Arch. de la Propagande, III, Leitere di Francia, Avignone e Siiizzera, 1628, no 130, f° 36, ancien 60, original sur parchemin. Nous devons encore la découverte de ce do- cument à M. Jean Parrang. Tandis qu'on étudiait sa première sup- plique à Rome, saint Vincent, profitant peut-être des avis de per- sonnes doctes et amies, la revoyait et la corrigeait. Si l'on excepte deux additions, que nous signalerons en leur place, le nouveau texte ne diffère du précédent que par des modifications de pure forme. Le nonce l'envoya, le 15 août 1628, au cardinal-préfet de la Propa- gande, avec une lettre de recommandation. Les raisons données par cette congrégation, le 22 août, pour le rejet de la précédente requête atteignaient celle-ci. Aussi saint Vincent apprit-il sans étonnement qu'elle était rejetée à son tour. D'après une note, le jugement fut rendu le 25 septembre. Si le procès-verbal de la réunion tenue ce jour-là n'en fait pas mention, cela tient probablement à ce qu'il n'y eut pas de délibération sur ce sujet, la seconde demande étant vir- tuellement repoussée par les considérants de la décision prise contre
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fessario, urbium incolas omni auxilio spiritual! cele- brium doctorum proborumque religiosorum qui in iisdem civitatibus morantur, sufâcienter adjuvari, solum populum rure degentem ignorantia et paupertate oppressum iisdem auxiliis quibus alii in urbibus abun- dant, destitui, proptereaque eumdem populum... depo- nere non audent ; huic tam ingenti malo remedium aliquod adhiberi posse arbitrati sunt supranominati, si missiones quae tune in oppidis et pagis intra eorum dominia contentis a dicto Vincentio cum aliis ecclesias- ticis probitate et doctrina conspicuis factae sunt, sub beneplacito et obtenta facultate a Reverendissimis DD. ipsorum locorum Episcopis, continuarentur. Quod adeo féliciter, cognito et praesentia sua comprobato fructu et emolumento ad gloriam Omnipotentis Dei emergenti ex confessionibus generalibus de intégra vita, quas multa oppida et pagi integri amplexi sunt, cum emen- datione vitae et meliore fruge in posterum, imo etiam conversione quorumdam haereticorum, successit, ut su- pramemorati domini Emmanuel et Francisca, hoc pium opus missionum perpetuum reddere cupientes, eleemo- synam quadraginta quinque [millium] francorum in sus- tentationem et alimoniam aliquot saoerdotum, qui, relictis gradibus et ecclesiasticis quae in urbibus haberi soient officiis, imo spe ad illa in posterum rejecta, simul habitare, necnon in congregatione vivere salutique pau- peris populi rusticani ex professo incumbere vellent,
la première. Saint Vincent n'était pas homme à se décourager. Il attendit, réfléchit, prépara une autre requête, que nous n'avons plus, fit agir des personnages influents et obtint enfin, le 12 janvier 1632, tout ce qu'il souhaitait, et plus encore, car il ne pensait pas que le Souverain Pontife déclarerait son Institut très agréable à Dieu, très utile et même nécessaire aux hommes, Deo accefiissimum, hominibus uiilissirmim frorsusque necessarium. ( Bulle Salvatoris Nostri.)
Nous avons jugé inutile de reproduire les passages communs avec la supplique de juin (lettre 26), le lecteur pouvant facilement se référer à celle-ci pour les parties omises.
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sub directione dicti Vincentii de Paulo supplicantis, largiti sint, anno Domini millesimo sexcentesimo vige- sirao quinto.
Qua fundatione a Reverendissimo D. Domino Ar- chiepiscopo Parisiensi approbata et conErmata, supra- dictus Vincentius de Paulo, ab eodem superior consti- tutus, associavit et aggregavit sibi supramemoratos sacerdotes, qui, ut facilius utiliusque bono animarum ruri degentium intendere valerent, prius relictis bene- ficiis quibus quidam illorum fruebantur et aliis condi- tionibus quarum munere fungentes in urbibus retine- bantur, simul congregati sunt in societatem sacerdotum Missionis aut Missionariorum sic nuncupatorum, in qua vivunt sub directione dicti Vincentii de Paulo, toti incumbentes in salutem populi ruri commorantis ; quo se conferunt de oppido in oppidum, de pago in pagum transeuntes, et, conciones exhortationesque ad populum habendo, edocent unumquemque, publiée et privatim catechisando, circa mysteria fidei ad salutem necessaria... terminant lites, odia sedant, dissidia et inimicitias conciliant, confraternitatem Charitatis ad subveniendum saluti corporis et animae pauperum morbo detentorum, ubi nécessitas expetit, instituunt ; haecque omnia pia opéra jam non modo in pagis et oppidis ad dominum et dominam fundatores pertinentibus quae loca singulis quinquenniis adiré, ibique praedicta officia exercere tenentur, verum etiam in multis aliis partibus hujus regni Franciae felici successu exercent, adjuvante Dei gratia, ut in archiepiscopatibus Parisiensi et Senonensi, in dioecesibus Catalaunensi... et incredibili omnium satis- factione ; quae omnia pia opéra semper suscipiunt sump- tibus et impensis dictae congregationis, quae nullam laborum suorum mercedem et compensationem tempo- ralem recipit aut expectat.
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Quapropter, Sanctissime Pater, et quia perpetuitas hujus pii operis ad salutem et conversionem proximi multum conferre videtur, placeat Sanctitati Vestrae... propriae perfectioni et saluti incolarum ruri degentium totaliter incumbere, eundo de pago m pagum, illicque concionando, catechisando, ad anteactae totius vitae con- scientiae onus deponendum inducere, poenitentium con- fessionem generalem excipere, parvulos ad sacrosanctae synaxis primam susœptionem dignanter instruere, nec- non, ut nécessitât! pauperum aegrotantium subveniatur, confraternitatem Charitatis instituere, et hoc gratis, nec susceptis directe aut indirecte muneribus ^ : cum plena et omnimoda facultate... summopere expedito, praedic- tam congregationem hujusmodi... personarum et bono- rum spiritualium et temporalium... tum circa admis- sionem, numerum, aetatem... instructionem et disciplinam, correctionem, exercitia, modum et formam divinorum of&ciorum... et alia ipsis congregationibus utilia atque necessaria, quaecumque statuta, ordinationes et capitula licita et honesta... Omnesque alias ad instar supradictae canonice erigendas congregationes ab ipsa Parisiensi et a dicto praeposito generali... Dictosque praepositum, presbytères et quascumque personas dictae congrega- tionis a jurisdictione suorum Ordinariorum liberare, a Sancta Sede Apostolica dependere placeat Sanctitati Vestrae ; ita nihilominus ut dictae personae Reverendis- simis Dominis Episcopis et Dioecesanis suae residentiae circa missiones obedire teneantur, etiam quocumque et ad quoscumque eos mittent... novas vires requiret, reser- vata tamen electione mittendorum ipsorum presbytero- rum superiori domus necnon reservata praeposito dictae congregationis potestate instituendi superiores et offi-
I. Ces luiit li^^nes, de eiindo de -pago à muneribus manquent dans la supplique de iuin.
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ciales in aliis etiam congregationibus erigendis eosque deponendi, inhabiles vero ab ipsis congregationibus expellendi, itemque dictos presbytères et alios transfe- rendi de una domo in aliam, sicut et accersendi eos quocumque in loco aut quacumque in domo fuerint, si mandatum Vestrae Sanctitatis ad aliquam Missionem aut nécessitas quaedam istud postulaverit ^.
Et postremo eisdem congregationibus, ex nunc prout postquam institutae et erectae fuerint... tam per dictum dominum Gondium et dictam dominam Franciscam Margaritam de Silly, fundatores... ita quod dicto Vin- centio... libère apprehendere liceat et perpetuo retinere... vel cujusvis alterius licentia minime requisita, et etiam perpetuo applicare.
Et ad augendam fidelium devotionem animarumque saluti consulendum, utque christi&deles... dicti oratores ut sibi placeat illis elargiri omnes facultates quas solita est concedere religiosis et sacerdotibus saecularibus quos Sua Sanctitas ad partes Infidelium in missionem mittit :
Potestatem Apostolicam scilicet concionandi, cate- chisandi, excipiendi confessiones, confraternitatem Cha- ritatis ubique locorum instituendi, semper tamen sub beneplacito Reverendissimorum DD. Episcoporum ;
Absolvendi ab omnibus censuris ecclesiasticis et dis- pensandi de irregularitatibus occultis, commutandi vota et absolvendi ab omnibus casibus Vestrae Sanctitati etiam in Bulla Cœnae Domini reservatis ;
Disputandi contra haereticos, conversos ab haeresi absolvendi, eorum libros legendi, applicandi plenanam indulgentiam omnibus confessionem generalem facien- tibus, idque non modo missionariis, sed etiam ecclesias-
2. Ce passage, depuis reservata tameii eleciione, est spécial à cette seconde supplique ; il en est vraisemblablement l'unique raison d'être, les autres changements étant tous de peu d'importance.
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ticis qui ad missiones ab il lis in casu necessitatis assu- muntur ;
Instituendi orationem quadraginta horarum... ;
Sacrum Missae sacrificium super altaria portatilia celebrandi, etiam ante auroram et post meridiem ;
Moderandi et remittendi restitutiones débitas propter incursam simoniam ;
Benedicendi ornamenta Ecclesiae.
J. DE LA Salle, J. Becu, du Coudray, A. Portail, Gallon, J. Dehorgny, J. Brunet, A. Lucas, Vin- cent Depaul.
Datum Parisiis, in collegio Bonorum-Puerorum, prima die augusti, Domini anno millésime sexce.ntesimo vige- simo-octavo.
TRADUCTION A notre très Saint Père le Pape,
Vincent de Paul, supérieur des prêtres de la Mission fondée à Paris, maître Louis Callon, docteur en Sorbonne, Antoine Portail, François du Coudray, Jean de la Salle, Jean Bécu, Antoine Lucas, Joseph Brunet et Jean Dehorgny, des diocèses de Dax, Rouen. Arles, Amiens, Paris, Clermont et Noyon, présentent leurs humbles supplications et exposent les faits suivants :
Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, marquis des îles d'Or, chevalier des deux ordres, conseiller du roi, capi- taine de cinquante hommes d'armes, lieutenant général pour le roi de France es mers du Levant, intendant général des ga- lères royales, reçu récemment dans la congrégation de l'Ora- toire de Jésus en la ville de Paris, et feu dame Françoise- Marguerite de Silly, alors son épouse, baronne de Montmi- rail, Trosnay et autres lieux, ayant considéré attentivement depuis plusieurs années avec ledit Vincent de Paul, alors leur aumônier et confesseur de ladite dame, que les habitants des villes étaient suffisamment pourvus de tout secours spirituel par les docteurs distingués et les religieux de bonne vie éta- blis en icelles, alors que les pauvres gens des champs, privés
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de ces mêmes secours, si abondants dans les villes, restent dans rignorance et la pauvreté, ignorant, jusque dans leur vieillesse, les mystères de la foi nécessaires au salut, et malheu- reusement meurent souvent dans les péchés de leur jeu- nesse, pour avoir eu honte de les découvrir à des curés ou à des vicaires qui leur sont connus et familiers ; ce considéré, pour remédier à un si grand mal, les susnommés ont pensé que les missions données jusqu'ici dans les bourgs et les villa- ges situés sur leurs terres par ledit Vincent et d'autres ecclé- siastiques connus pour leur probité et leur doctrine, sous le bon plaisir et avec le consentement des Révérendissimes Sei- gneurs évêques de ces mêmes lieux, devaient être continuées.
Grâce aux confessions générales, dont la pratique, répandue en bien des bourgs et villages à la gloire de Dieu tout-puis- sant, a provoqué le retour d un grand nombre à la vertu et même la conversion de quelques hérétiques, et fait espérer davantage pour l'avenir, les missions ont été couronnées de tant de succès que lesdits seigneurs Emmanuel et Françoise, té- moins de ces heureux fruits et désireux de perpétuer l'œuvre ■sa- lutaire des missions, ont donné 45.000 francs en l'an du Sei- gneur 1625 pour l'entretien et subsistance de quelques prêtres résolus à vivre ensemble et à s'unir en congrégation, après avoir quitté, avec les titres et les emplois ecclésiastiques qu'on a d'ordinaire dans les villes, l'espoir même de s'en procurer à l'avenir, et cela, pour faire profession de s'adonner, sous la direction dudit Vincent de Paul, au salut des pauvres gens des champs.
Cette fondation ayant été approuvée et confirmée par le très Révérend Seigneur archevêque de Paris, le susdit Vincent de Paul, établi supérieur par ce même archevêque, s'est associé et agrégé les prêtres susnommés, lesquels, pour se livrer plus facilement et plus utilement au bien spirituel des habi- tants des campagnes, ont renoncé aux bénéfices dont plusieurs avaient la jouissance dans les villes, et à d'autres charges qui les y retenaient, se sont réunis et forment ensemble la société connue sous le nom de Prêtres de la Mission ou de Mis- sionnaires, pour s'appliquer entièrement, sous la direction dudit Vincent de Paul, au salut des gens de la campagne, allant de bourg en bourg, de village en village, prêchant, exhoilant, enseignant et en public et en particulier le? mys- tères de la foi nécessaires au salut, que la plupart ignorent com- plètement, disposant les fidèles à faire une confession géné- rale de toute la vie les entendant au tribunal de la Pénitence, convertissant le? hérétiques, mettant fin aux procès, apaisant les haines, les discordes et les inimitiés, établissant la con- frérie de la Charité où elle est nécessaire, pour le bien corpo-
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rel et spirituel des pauvres malades. Ils remplissent leur pieux ministère avec grand succès. Dieu aidant, non seulement dans les bourgs et les villages situés sur les terres desdits sei- gneur et dame fondateurs (terres qu'ils doivent évangéliser tous les cinq ans), mais encore dans beaucoup d"autres parties de ce royaume de France, comme dans les archevêchés de Paris et de Sens, dans les évêchés de Châlons, en Champagne, de Troyes, Soissons, Beauvais, Amiens et Chartres, où ils exercent leurs emplois pour le plus grand bien du pauvre peu- ple, au grand contentement des très Révérends Seigneurs ar- chevêques et évêques et à la satisfaction incroyable de tous, aux frais et dépens de ladite congrégation, ne recevant et n'attendant aucune récompense ou compensation temporelle.
Pour ces motifs, très Saint Père, et, parce que la perpétuité de cette pieuse entreprise paraît très utile au salut et à la conversion du peuple, plaise à Votre Sainteté approuver et confirmer ladite congrégation, et, autant que besoin est. l'éri- ger de nouveau, répandre sur elle A^otre bénédiction et nom- mer ledit Vincent instituteur et supérieur général desdits prê- tres, de ceux qui désirent s'adjoindre à eux et des personnes indispensables pour vaquer aux emplois domestiques dans la congrégation, dite de la Mission, à laquelle ils sunis- sent pour mener ensemble la vie commune, à l'exemple des religieux, se mettre humblement et pieusement au service du Très-Haut, tendre avant tout et de toutes leurs forces à pro- curer leur propre perfection et le salut des pauvres gens des champs, allant de village en village pour les prêcher, les caté- chiser, les exhorter à décharger leur conscience du poids des péchés de toute leur vie, entendre leur confession générale, préparer dignement les enfants à s'approcher pour la première fois de la sainte table, établir des confréries de la Charité pour le soulagement des pauvres malades, tout cela à leurs dépens et sans rien accepter des présents qu'on pourrait leur faire directement ou indirectement.
Daigne Votre Sainteté accorder à ce même Vincent, que Mgr l'archevêque de Paris a déjà choisi pour cette œuvre et que les seigneurs fondateurs ont désiré, permission, pouvoir et auto- rité pleine et entière d'établir ladite congrégation tant en la ville de Paris qu'en toutes les autres cités, bourgs, terres et lieux où les évêques la demanderont, et là seulement, notifier et imposer, en vue de procurer l'heureux état et bon gouvernement des personnes et des biens spirituels et tempo- rels de cette même congrégation et des maisons que l'on éta- blira, et avec le désir de les soumettre à l'approbation et con formation du Saint-Siège, tous statuts, règlements et ordon- nances licites, honnêtes et conformes aux saints Canons, aux
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Constitutions apostoliques et aux décrets du concile de Tien'.e, obligatoires pour le supérieur, les prêtres, officiers, ministres et coadjuteurs des maisons, sous les peines à intervenir, et portant sur l'admission, le nombre, l'âge et les qualités de ceux qui seront reçus et admis dans cette congrégation, l'ins- truction, le gouvernement, la correction et les exercices, le mode et la forme des divins offices^ des prières, des oraisons et autres suffrages à réciter, et toutes autres choses utiles et nécessaires.
Que Votre Sainteté veuille bien accorder encore audit Vin- cent plein pouvoir de corriger, limiter, modifier tt retciucber les règles, quand elles seront faites, publiées et édictées, toutes les fois que les dispositions et les changements des personnes, des choses et des temps le demanderont, comme il pourra paraître bon, de faire et établir de nouvelles règles, d'en impo- ser l'observance et la pratique et de faire et exécuter toutes choses générales et particulières qui se font et s'exécutent ordinairement en vertu du droit ou de la coutume, d'un pri- vilège ou autrement, par les fondateurs ou les supérieurs, même généraux, des congrégations semblables et des ordres approuvés, quels qu'ils soient.
Plaise à Votre Sainteté approuver et confirmer, de son auto- rité et pour toujours, dès maintenant, que les maisons qui seront érigées ailleurs, en quelque lieu que ce soit, à l'instar de la maison susdite, par la maison de Paris et ledit supérieur général, dépendent d'eux en toutes choses.
Plaise à Votre Sainteté exempter le supérieur, les prêtres susdits et tous les membres de ladite congrégation de la juri- diction de leurs Ordinaires et les faire dépendre du Saint- Siège apostolique, de telle sorte néanmoins que lesdites per- sonnes soient tenues, en ce qui regarde les missions, d'obéir aux très Révérends Seigneurs Evêques et Ordinaires de leur résidence, d'aller où et vers qui ils seront envoyés, sans excuse ni prétexte, sauf pourtant le cas de maladie ou de fatigue exces- sive, provenant d'un travail antérieur et nécessitant quelque repos pour reprendre de nouvelles forces, toute liberté étant laissée au supérieur de la maison de choisir les missionnaires pour les missions, et au supérieur général de nommer et dépo- ser les supérieurs et les officiers, même dans les maisons qui seront fondées dans la suite, de renvoyer de ces maisons ceux qui ne sont pas aptes, de transférer lesdits prêtres et autres d'une maison dans une autre et de les rappeler, en quelque lieu ou en quelque maison c|u'ils soient, si Votre Sainteté 1 au- torise, pour une mission, ou si quelque nécessité l'exige.
Enfin qu'il soit permis, dès maintenant, à ces mêmes maisons, pour le jour où elles seront établies et érigées (comme il a été dit
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ci-devant), d'accepter pour leur dotation, pour l'entretien du- dit Vincent, du supérieur général et des prêtres qui les com- poseront, et pour les aider à supporter les charges qui leur incomberont, toutes choses en général et en particulier, ressour- ces, biens, fruits, revenus et dons, déjà faits et encore à faire soit par ledit seigneur de Gondi et ladite dame Françoise-Mar- guerite de Silly, fondateurs, soit par les autres fidèles, pour être distribués, donnés et accordés auxdites maisons, de quelque manière que ce soit.
Qu'il soit permis audit Vincent et à tout autre supérieur gé- néral et aux prêtres qui font partie desdites maisons d'accepter librement, au nom desdites maisons, par lui-même, par un autre ou par d'autres, la possession corporelle, réelle et actuelle de tous ces biens et d'en garder à perpétuité les fruits, revenus et produits, d'en percevoir, exiger, lever, et récupérer les droits, revenus et intérêts, de les employer pour l'usage et l'utilité desdites maisons et même de les leur appliquer à perpétuité sans qu'il soit nécessaire de se munir de la permission de Tévêque du lieu, ou de tout autre.
Et pour augmenter la dévotion des fidèles, procurer le salut des âmes et porter les chrétiens à suivre les exercices donnés par les membres de cet Institut, lesdits prêtres supplient Votre Sainteté qu'elle ait pour agréable de leur accorder tous les pouvoirs qu'elle a coutume d'accorder aux religieux et aux prêtres séculiers que Sa Sainteté envoie en mission dans les pays infidèles, à savoir le pouvoir apostolique :
De prêcher, catéchiser, entendre les confessions, instituer la confrérie de la Charité en tous lieux, toujours cependant sous le bon plaisir de nos très Révérends Seigneurs Evêques ;
D'absoudre de toutes les censures ecclésiastiques et de dis- penser des irrégularités occultes, de commuer les vœux et d'absoudre de tous les cas réservés à Votre Sainteté, même des cas marqués dans la Bulle In caena Domini ;
De disputer contre les hérétiques, d'absoudre ceux qui abju- rent leurs erreurs, de lire les livres des hérétiques, d'appli- quer l'indulgence plénière à tous ceux qui font une confession générale (pouvoirs demandés même pour ceux qui aideront les missionnaires en cas de besoin) ;
D'établir l'oraison des Quarante-Heures dans les lieux où ils le jugeront utile et d'appliquer l'indulgence plénière à ceux qui pendant ce temps se confesseront et communieront ;
De célébrer le saint sacrifice de la messe sur des autels por- tatifs, même avant l'aurore et après midi ; de diminuer ou de remettre entièrement les restitutions dues pour avoir encouru la simonie ;
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De bénir les ornements déglise.
J. de la Salle, J. Bécu, du Coudray, A. Portail. Callon, J. Dehorgny, J. Brunet, A. Lucas, Vincent Depaul.
Donné à Paris, au collège des Bons-Enfants, le premier jour du mois d'août, Tan du Seigneur mil six cent vingt-huit.
29 — A LOUISE DE MARILLAC
[Entre 1626 et mai 1629 1.]
Vous avez tort, ma chère fille, de penser que j'ai eu opinion que vous n'agréiez point la proposition de la demoiselle, pource que je n'y ai point pensé ; et je n'y ai point pensé, pource que je suis assuré que vous voulez et ne voulez ce que Dieu veut et ne veut, et que vous n'êtes en état de vouloir et ne vouloir que ce que nous vous dirons qu'il nous semble que Dieu veut et ne veut. Dites donc votre coulpe de cette pensée et ne lui donnez jamais entrée à l'avenir. Tâchez à vivre contente parmi vos sujets de mécontentement et honorez toujours le non- faire et l'état inconnu du Fils dé Dieu. C'est là votre centre et ce qu'il demande de vous pour le présent et pour l'avenir, pour toujours. Si sa divine Majesté ne vous fait connaître, de la manière qui ne peut tromper, qu'il veut quelqu'autre chose de vous, ne pensez point et n'occupez point votre esprit en cette autre chose-là. Rapportez-vous-en à moi ; j'y pense assez pour tous deux.
Mais passons au petit frère Michel. Certes, ma chère fille, cela me touche ; ses souffrances me sont sensibles, et celles que vous avez pour l'amour de lui aussi. Oh bien ! tout est pour le mieux.
Lettre 29. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
I. Nous voyons par le contenu de la lettre que Louise de Maril- lac n'était pas encore fixée sur sa vocation et que la congrégation de la Mission était presque à ses débuts.
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Que vous dirai-je maintenant de celui que votre cœur chérit tant en Notre- Seigneur ? Il se porte un peu mieux, si me semble, mais toujours avec quelque petit sentiment de ses petits frissons. Au reste, l'on lui propose et Ton le presse d'aller à Forges - et de partir demain, et M. le médecin le conseille, si une occasion d'aller en car- rosse qui se présente, n'arrive autrement. Certes, ma chère 611e, et cela me pèse plus que je ne saurais vous exprimer, qu'il faille tant taire pour une pauvre car- casse. Mais, si je ne le fais, nos Messieurs ^ se plaindront de moi, qui m'en pressent fort, pource qu'on leur a di*^ que ces eaux minérales m'ont profité les années passées en pareilles maladies. En&n, je me suis proposé de me laisser faire en la manière qu'il me semble que notre bienheureux Père "^ le ferait. Si je pars donc, je vous dis adieu, ma chère ûlle, et me recommande à vos bonnes prières, et à vous de vous tenir en l'état ci-dessus. Vous ne direz point ceci à persorme, s'il vous plaît, pource que je ne sais point si la chose réussira. Mon cœur n'a pu le celer au vôtre, non plus qu'à celui de notre Mère de Sainte- Marie ^ et à celui de Mademoiselle du Fav.
2. Forges-les-Eaux, bourg situé à six lieues de Neufchâtel (Seine- Inférieure). Cette localité possède trois sources d'eaux minérales fer- rugineuses que l'on dit très toniques et très efficaces contre les en- gorgements abdominaux et les hydropisies. Louis XIII, la reine Anne d'Autriche et le cardinal Richelieu y allèrent en 1632.
3. Les prêtres de la Mission.
4. Saint François de Sales, évêque de Genève, mort à Lyon le 28 décembre 1622. Il honorait saint Vincent de son amitié. « Bien des fois, j"ai eu l'honneur de jouir de l'intimité de François de Sa- les », disait le saint prêtre au procès de béatification de son illustre ami, le 17 avril 1628. Saint Vincent ne parlait de l'évêque de Genève qu'avec des sentiments d'admiration ; il le jugeait digne des hon- neurs réservés aux saints. Saint François de Sales, de son côté, au témoignage de Coqueret, docteur de Sorbonne, disait qu' « il ne connaissait pas de plus digne et de plus saint prêtre que M. Vin- cent ». (Lettre postulatoire de l'évêque de Tulle, du 21 mars 1706.) Aussi ayant à désigner un supérieur pour le couvent de la Visitation établi à Paris, son choix se porta sur Vincent de Paul.
5. Ce fut sur les conseils du cardinal de Savoie, durant leur com-
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Or sus, c'est assez parlé à sa fi.lle. Il faut achever en lui disant que mon cœur aura un bien tendre ressouvenir du sien en celui de Notre- Seigneur et pour celui de Notre- Seigneur seulement, en l'amour duquel et celui de sa sainte Mère je suis son serviteur très humble.
30. — A FRANÇOIS DU COUDRAY, PRÊTRE DE LA MISSION
Monsieur,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour jamais !
mun séjour à Paris, que saint François de Sales établit dans cette ville un couvent de la Visitation. A son appel, sainte Chantai, alors occupée à la fondation de Bourges, vint à Paris, le 6 avril 1619, avec trois de ses filles. L'évêque de Genève les installa lui-même, le i'^'' mai, dans une maison de louage du faubourg Saint-Michel. La communauté se transporta en 1620 de la rue de la Cerisaie à l'hôtel du Petit-Bourbon, que sainte Chantai avait acheté, et en 1628 de l'hôtel du Petit-Bourbon à l'hôtel du Cossé, rue Saint-Antoine, où le commandeur Noël Brulart de Siller}' fit construire, à ses frais, une magnifique chapelle, dont il posa lui-même la première pierre le 31 octobre 1632. (Cf. Fondation du fremier monastère de la Visita- tion Sainte-Marie de Paris, ms. conservé à la Visitation d'Angers ; Histoire chronologique des fondations de tout l'ordre de la Visita- tion de Sainte-Marie, Bibl. Maz., ms. 2430 ; Félibien, Histoire de la ville de Paris, Paris, 1725, 5 vol. in-f°, t. III, p. 1312).
Le premier monastère avait à sa tête en 1629 Hélène-Angélique Lhuillier, née en 1592 de François, seigneur d'Interville, et d'Anne Brachet, dame de Frouville, mariée en 1608 à Thomas Gobelin, sei- gneur du Val, maître ordinaire de la chambre des comptes, reçue à la Visitation de Paris le 2 juillet 1620, après annulation de son mariage et sur le conseil de saint François de Sales, professe le 12 février 1622, plusieurs fois réélue supérieure. Saint Vincent de Paul disait que « c'était une des plus saintes âmes qu'il eût connues ». (Sainte Jean- ne-Françoise Frémyot de Chantai. Sa vie et ses œuvres, Paris, 1874- 1880, 8 vol. in-8, t. V, p. 65, en note.) Il la mit en rapports avec le commandeur de Sillery, dans l'espoir qu'elle achèverait de le ramener à Dieu. Cette sainte religieuse mourut, le 25 mars 1655, au monastère du Chaillot, dont elle fut la première supérieure. Son nom revient souvent dans la vie de sa sœur, Madame de Villeneuve par le P. de Salinis, Paris, 1918, in-8*. (Vie manuscrite de la Mère Hélène-An- gélique Lhuillier, Arch. des Filles de la Croix de Tréguier.)
Lettre 30. — Recueil du procès de béatification.
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11 y a trois jours que nous sommes arrivés en cette ville, en bonne disposition, Dieu merci, où l'on com- mença hier l'examen des ordinands ^ et continueïa-t-on aujourd'hui, qui est vendredi, et demain, pour com- mencer l'exercice dont Dieu a donné la première pensée à Monseigneur de Beauvais ", dimanche prochain. L'ordre était que lesdits ordinands vivront et logeront ensemble au collège ^, là où Monsieur Duchesne le jeune * doit aller vivre avec eux et leur faire observer le règlement qui leur a été prescrit pour l'emploi de la journée. Et Mon- seigneur de Beauvais fera l'ouverture de l'exercice dimanche au matin ; et Monsieur Messier ^ et Monsieur
1. Ce fut en juillet 1628, dit Abelly (op. cit., t. I, chap. xxv, p. 117), au cours d'un voyage, après une conversation avec saint Vin- cent, que l'évêque de Beauvais résolut de recevoir chez lui les ordi- nands, au mois de septembre, pour leur faire donner les connaissances nécessaires à leur nouvel état et les instruire des vertus qu'ils de- vaient pratiquer. Le saint prépara un règlement écrit et vint tout disposer une quinzaine de jours avant l'ordination. Telle fut l'origine des retraites des ordinands, qui devaient attirer à Saint-Lazare Bos- suet, le commandeur de Sillery et tant d'illustres personnages.
2. Augustin Potier, seigneur de Blancmesnil, sacré à Rome le J7 septembre 1617, renouvela son diocèse, avec l'aide de saint Vin- cent et d'Adrien Bourdoise. Il appela les Ursulines à Beauvais et à Clermont, fit donner des missions, auxquelles il prit lui-même part, établit un séminaire dans son palais épiscopal et multiplia les confré- ries de la Charité. Il devint grand aumônier de la reine et fit partie du conseil de conscience. Nommé premier ministre à la mort de Louis XIII, il allait recevoir le chapeau de cardinal quand l'in- fluence de Mazarin l'emporta définitivement sur la sienne. Il mou- rut le 20 juin 1650. (Cf. Histoire du diocèse de Beauvais, par De- lettre, Beauvais, 1842-1843, 3 vol. in-8°, t. III, pp. 377-438 ; Augustin Potier, par Fernand Potier de la Morandière, Paris, 1902, in-S". )
3. Le Clerc, ami intime de Bourdoise, en était le principal. L'é- poque des vacances lui donnait toute facilité de disposer du collège en faveur des ordinands.
4. Bernard Duchesne, docteur de Sorbonne, faisait partie de la communauté de Bourdoise dès son origine. Il prit une part active aux œuvres de ce saint homme.
5. Louis Messier, un des premiers compagnons de Bourdoise, dont il fut le bras droit, archidiacre de Beauvais et docteur en Sorbonne. Son frère fut curé de Saint-Landry et doyen de la faculté de théo- logie à la Sorbonne.
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Duchesne '^ et moi ^ devons parler alternativement chacun son tour, selon la matière qu'on a jugée convenable ; et Monsieur Duchesne le jeune et un autre bachelier, curé d'ici, doivent enseigner les cérémonies requises a chaque ordre. Plaise à Notre- Seigneur donner sa sainte bénédiction sur ce bon œuvre, qui semble être utile à son Eglise ! Et je vous prie de le recommander à Notre- Seigneur.
Mais comment se porte la compagnie ? Tout le monde est-il en bonne disposition ? Chacun est-il bien gai ? Les petits règlements s'observent-ils toujours ? Etudie-t-on et s'exerce-t-on sur la controverse ? Y tenez-vous l'ordre prescrit ? Je vous supplie, Monsieur, qu'on travaille à cela qu'on possède bien le petit Bécan ^. Il ne se peut dire combien ce petit livre sert.
Il a plu à Dieu de se servir de ce misérable à la con- version de trois personnes, depuis que je suis parti ; mais il faut que j'avoue que la douceur, l'humilité et la patience, en traitant avec ces pauvres dévoyés, est l'âme de ce bien. Les deux premières personnes ne m'ont guère coûté, parce qu'elles avaient disposition ; mais il m'a fallu employer deux jours avec le troisième. J'ai bien voulu vous dire cela à ma confusion, afin que la compagnie voie que, s'il a plu à Dieu se servir du plus
6. Jérôme Duchesne, docteur de Sorbonne et membre de la com- munauté de Saint-Nicolas depuis 1612, devint archidiacre de Beau- vais. Il avait donné une mission à Montmirail en 1621 en compagnie de saint Vincent. (Abelly, o;p. cit., t. I, chap. xiii, p. 55.)
7. Saint Vincent expliqua le décalogue. Jérôme Duchesne venait assister à ses entretiens. Il en fut si touché qu'il se sentit porté à faire au saint sa confession générale (Abelly, of. cit., t. I, chap. XXV, p. 118.)
8. Martin Bécan, jésuite belge, a écrit contre les calvinistes un grand nombre d'opuscules. Il a composé en outre une Somme théo- logique, une Analogie de l'Ancien et du Nouveau Testament, un ma- nuel des controverses et un abrégé de ce manuel. Bécan était très goûté à son époque, surtout à cause de sa clarté et de sa méthode.
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ignorant et misérable d'icelle, qu'il se servira plus effi- cacement de chacun de ladite compagnie.
Monseigneur de Beauvais n'a point déterminé le jour qu'on doit commencer la mission en ce diocèse au mois d'octobre. Il veut que je sois en cette première ; mais je tâcherai de prendre le temps pendant l'intervalle pour vous aller voir, afin d'entendre la reddition des comptes de l'intérieur de la compagnie depu'"s la der- nière qu'on a rendue, afin que cela serve de disposition au prochain emploi.
Comment se porte Monsieur Lucas en son travail ? Cet emploi lui revient-il ? Revient-il souper et coucher au collège ^ ? Assiste-t-il point, les fêtes ^°, à nos confé- rences ?
Je vous supplie de saluer toute notre compagnie, en commun et en particulier, et de dire à Monsieur Lucas que je le prie d'assurer Monseigneur de Bazas ^^ de mon très humble service ; et vous, je vous prie d'avoir soin de votre santé et de me mander si Monsieur de Saint- Martin ^^ est venu au collège et s'il va voir Monsieur de Bazas avec Monsieur Lucas.
J'oubliais à vous dire que je pense que vous ferez bien de sentir le tailleur qui travaille au logis, s'il a quelque pensée de se donner à la maison ^^. Il l'a eue autrefois ; mais sa vue courte et la difficulté qu'il avait de faire parfois la cuisine le retint et moi aussi.
Adieu, mon cher petit père ^*. Je suis en l'amour de
9. Collège des Bons-Enfants.
10. Mot de lecture douteuse.
11. Jean-Jaubert de Barrault de Blaignac, évêque de Bazas (i6ii- 1630), puis d'Arles (1630-30 juillet 1643).
12. Compatriote du saint.
13. Il n'y eut en 1628 aucune entrée de frère coadjuteur dans la congrégation de la Mission.
14. Ce titre tout familier, le saint le donne en d'autres lettres à François du Coudray.
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Notre-Seig-neur et de sa sainte Mère, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.
Vincent Depaul.
De Beauvais, ce 15 septembre 1628.
Suscri-ption : A Monsieur Monsieur du Coudray, ec- clésiastique, au collège des Bons-Enfants, joignant la porte de Saint- Victor, à Paris.
31. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 ^.] Mademoiselle,
Je vous souhaite le bonsoir et que vous ne pleuriez plus le bonheur de votre petit Michel, ni ne vous mettez en peine de ce que deviendra notre sœur...
Mon Dieu, ma fi.lle, qu'il y a de grands trésors cachés dans la sainte Providence et que ceux-là honorent sou- verainement Notre-Seigneur qui la suivent et qui n'en- jambent pas sur elle ! — Oui, me direz-vous, mais c'est pour Dieu que je me mets en peine. — Ce n'est plus pour Dieu que vous vous mettez en peine si vous vous peinez pour le servir.
32. — A LOUISE DE MARILLAC*
Oh ! qu'il y a de grands trésors cachés dans la sainte Providence et que ceux-là honorent souverainement
Lettre 31. — Manuscrit Saint-Paul, p. 84.
I. Dans les lettres sûrement postérieures à cette date, saint Vincent n'appelle plus Louise de Marillac « ma fille ».
Lettre 32. — Abelly, op. cit., t. III, chap. m, sect. m, p. 24.
I. Le destinataire de cette lettre est, d'après Abelly, une femme
pieuse, celle qui reçut la lettre 53, dont le ton et le contenu rappel lent les lettres adressées à Louise de Marillac.
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Notre-Seigneur qui la suivent et qui n'enjambent pas sur elle -. J'entendais dire dernièrement à un des grands du royaume qu'il avait bien appris cette vérité par sa propre expérience, parce que jamais il n'avait entrepris par soi-même que quatre choses, lesquelles, au lieu de lui réussir, étaient tournées à son dommage. N'est-il pas vrai que vous voulez, comme il est bien raisonnable, que votre serviteur n'entreprenne rien sans vous et sans votre ordre ? Et si cela est raisonnable d'un homme à un autre, à combien plus forte raison du Créateur à la créature !
33. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 ^.]
... Donc patience jusques alors, ma chère fille, je vous en supplie, vous assurant que j'ai pensé encore cette ma- tinée assez longtemps à vous et que je suis et serai toute ma vie, en l'amour de Jésus et de sa sainte Mère, votre serviteur.
34. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 162g '.]
Mon Dieu, ma chère fille, que votre lettre et vos pen- sées que [vous] m'avez envoyées, me consolent ! Certes, il faut que je vous confesse que le sentiment s'est répandu par toutes les parties de mon âme, et d'autant plus volontiers comme elles me font voir que vous êtes en
2. On retrouve cette phrase dans la lettre 31. Ces deux lettres ne seraient-elles pas deux fragments d'une même, ou la phrase com- mune n'aurait-elle pas été interpolée ici ou là ?
Lettre 33. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. I. Voir lettre 31, note i.
Lettre 34. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. I. Voir lettre 31, note i.
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l'état que Dieu vous demande. Or sus, continuez, ma chère filie, à vous maintenir en cette bonne assiette et laissez faire à Dieu. Mais, certes, ma consolation a été contredite par l'état que vous me mandez et que vous m'aviez celé de votre maladie. Or sus, béni soit Notre- Seigneur de tout ! Ayez bien soin de votre santé pour l'amour de lui et pardoimez-moi de ce que j'ai tant re- tenu votre homme, pour avoir été embarrassé par quan- tité de visites. Au reste, je me porte mieux, Dieu merci. Il me reste encore quelque petit sentiment de fièvre ; mais cela va toujours en diminuant, et le désir que j'ai que vous soyez toute sainte, en augmentant. Adieu, ma fille. Dieu vous dorme le bon soir !
35. — A LOUISE DE MARILLAC
[Vers 1629 '.]
J'en loue Dieu, Mademoiselle, de ce que vous avez été ainsi résignée au saint vouloir de Dieu, et le prie que vous et moi ayons toujours un même vouloir et non-vouloir avec lui et en lui, puisque c'est un paradis anticipé. Je vous remercie, de plus, de votre bonne médecine et vous promets d'en user demain. Dieu aidant, et de bon cœur ; et je vous supplie, au nom de Dieu, de vous bien guérir et de ne rien omettre de ce qu'il faut pour cela. Soyez, au reste, en repos pour votre intérieur ; il ne laisse pas d'être en l'assiette qu'il faut, ores qu'il ne le vous sem- ble pas.
Adieu, ma chère fille. Je suis en son amour et celui de sa sainte Mère, votre, etc.
Lettre 35. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. I. Voir lettre 31, note i.
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36. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers 1629 ^]
... le secret de votre cœur, lequel je désire voirement qu'il soit tout à Notre-Seigneur, et prie la sainte Vierge de le vous ôter pour l'enlever au ciel et le mettre dans le sien et dans celui de son cher Fils. Alais ne pensez pas que tout soit perdu pour les petites révoltes que vous sentez intérieurement. Il vient de pleuvoir fort dur et il tonne épouvantablement ; le temps en est-il moins beau ? Que les larmes de tristesse noient votre cœur et que les démons tonnent et grondent tant qu'il leur plaira, assurez-vous, ma chère fille, que vous n'en êtes pas moins chère à Notre-Seigneur. Vivez donc contente en son amour et assurez-vous que j'aurai soin de vous demain au sacrifice qu'indigne que je suis, je présenterai au souverain Sacrificateur. Si je n'étais fort pressé...
37. — A LOUISE DE MARILLAG
[Vers 162g ^]
S'il n'était si tard qu'il est, je vous irais voir à ce soir pour apprendre de vous le particulier de ce que vous me mandez ; mais ce sera demain. Dieu aidant. Honorez cependant la peine de la sainte Vierge qu'elle eut voyant son Fils dans la souffrance, et ajoutez à cet hon- neur celui de l'agrément du Père étemel dans la vue des souffrances de son unique Fils ; et j'espère qu'il vous
Lettre 36. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. Le commencement et la fin de la lettre manquent.
I. Voir la lettre 31, note i.
Lettre 37. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original. Au dos se trouvent ces mots, écrits de la main de Louise de Marillac : « Toute d'instruction au sujet de mon fils. »
I. Voir lettre 31, note i.
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fera voir et connaître combien vous êtes obligée à sa divine Majesté de ce qu'il vous honore de la relation de vos souffrances aux siennes, et combien la chair et le sang vous éloignent de la perfection du vrai amour que le Père éternel et la sainte Vierge avaient pour leur Fils. Pensez à cela, ma chère ûlle, et consolez-vous.
Je vous souhaite le bon jour et que vous soyez toute forte et que vous me croyiez, en l'amour de Notre-Sei- gneur, v. s.
38. — A LOUISE DE MARILLAC
[Avril ou mai 1629'.] Mademoiselle,
La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous pour jamais !
Le R. P. de Gondy ^ me mande que je l'aille trouver à Montmirail ^ en diligence. Cela m'empêchera peut-être d'avoir l'honneur de vous voir, pource que je partirai demain au matin. Votre cœur vous en dit-il d'y venir, Mademoiselle ? Si cela est, il faudrait partir mercredi prochain par le coche de Châlons, en Champagne *, qui loge au Cardinal, vis-à-vis de Saint-Nicolas-des- Champs ^ ; et nous aurons le bonheur de vous voir à Montmirail.
Lettre 38. — L. a. — Dossier des Filles de la Charité, original.
1. Cette lettre semble précéder la lettre 39 de peu de jours.
2. Philippe-Emmanuel de Gondi, ancien général des galères, entré chez les Oratoriens le 6 avril r627.
3. Petite ville de la Brie dans la Marne. C'était une des terres du R. P. de Gondi. Saint Vincent y avait séjourné maintes fois, en compagnie de Monsieur et de Madame de Gondi ; il y avait prêché une mission en 1621 (Abelly, o-p. cit., t. I, chap. XIII, p. 55, et établi sa quatrième confrérie de la Charité {ihid., chap. X, fin, p. 47), dont nous avons encore le règlement. 'Le duc de Retz fonda dans cette localité, en 1644, un établissement de missionnaires.
4. Châlons-sur-Marne.
5. Louise de Marillac connaissait bien l'église Saint-Nicolas-des- Champs, qu'elle avait fréquentée quand elle habitait la rue Cours-
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Je vous prie me mander ce qu'il y a à la Charité de notre bonne demoiselle ^.
Si ce soir je viens de bonne heure, je pourrai avoir le bonheur de vous dire un mot ; sinon, je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre serviteur.
Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.
39. — A LOUISE DE MARILLAC *
Mademoiselle,
Je vous envoie les lettres et le mémoire qu'il vous faut pour votre voyage. Allez donc, Mademoiselle, allez, au nom de Notre-Seigneur. Je prie sa divine bonté qu'elle vous accompagne, qu'elle soit votre soûlas ^ en votre chemin, votre ombre contre l'ardeur du soleil, votre couvert à la pluie et au froid, votre lit mollet en votre lassitude, votre force en votre travail et qu'enân
au-Vilain, sur la paroisse Saint-Sauveur. C'est dans cette église qu'elle fut délivrée de graves tentations contre la foi et que, par une sorte d'illumination d'en haut, elle entrevit ce que Dieu ferait d'elle plus tard. {La Vie de Mademoiselle Le Gras, par Gobillon, Paris, 1676, iii.i2, p. 17.)
6. Mademoiselle du Fay.
Lettre 39. — Manuscrit Saint-Paul, p. 5.
1. Louise de Marillac se disposait à partir pour Montmirail, où se trouvait saint Vincent. C'était sa première course apostolique, sa première tournée de femme-missionnaire. (Gobillon, of. cit., p. 32.) Elle voyageait d'ordinaire en compagnie de quelques dames pieuses, emportant avec elle une ample provision de linge et de drogues. A peine arrivée dans une localité qui possédait sa confrérie de la Charité, elle en assemblait les membres, stimulait leur zèle, se rendait compte des résultats obtenus et recrutait d'autres adhé- rents. Elle visitait les malades, distribuait des aumônes, assemblait les enfants et les instruisait des vérités de la foi. S'il y avait une maîtresse d'école dans l'endroit, elle lui donnait d'utiles conseils ; s'il n'y en avait pas, elle en formait une. (Gobillon, of. cit.,
PP- 33-35.)
2. Soûlas, consolation.
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il vous ramène en parfaite santé et pleine de bonnes œuvres ^.
Vous communierez le jour de votre départ, pour honorer la charité de Notre-Seigneur et les voyages qu'il a faits pour cette même et par la même charité, les peines, les contradictions, les lassitudes et les travaux qu'il y a soufferts, et afin qu'il lui plaise bénir votre voyage, vous donner son esprit et la grâce d'agir en ce même esprit et de supporter vos peines en la manière qu'il a supporté les siennes.
Pour ce que vous demandez, si vous ferez plus long séjour que nous n'avons dit, je pense que ce sera assez d'être un jour ou deux en chaque lieu pour la première fois, sauf à y retourner l'été prochain, si Notre-Seigneur vous fait paraître que vous lui puissiez rendre quelque autre service. Quand je dis deux jours, votre charité en prendra davantage, si besoin est, et nous fera celle de nous écrire.
Pour la Charité de Mademoiselle Guérin, vous pren- drez le nom de sa paroisse, s'il vous plaît, et si nous allons vers Chartres, nous tâcherons de l'aller servir pour la Charité, ne connaissant personne en ce quartier-là qui soit fait à cet établissement.
Adieu, Mademoiselle, ressouvenez-vous de nous en vos prières et ayez sur toutes choses soin de votre santé, que je prie Dieu vous conserver, étant, en son amour...
De Montmirail, ce 6 mai 1629.
3. Saint Vincent s'inspire ici de ce passage de VHinéraire des clercs : « Esta nobis, Domine, in frocinctu suffragiiim, in via so- latium, in aestu umbraculum, in fîuvia et frigore tegumentum, in lassitudine vehiculum, in adversitate praesidium, in lubrico baculus, in naujragio fortus, ut, te duce, quo tendimus frosfere ferveniamus et demum incolumes ad fro-pria redeamus. »
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40. — A LOUISE DE MARILLAC, A SAINT-CLOUD
De Paris, ce 19 février 1630. Mademoiselle,
La grâce de Notre- Seigneur soit avec vous pour jamais !
Je loue Dieu de ce que vous avez la santé pour soixante persoimes, au salut desquelles vous travaillez ; mais je vous prie me mander exactement si votre pou- mon n'est point incommodé de tant parler, ni votre tête de tant d'embarras et de bruit \
Pour Monsieur votre ûls, je le verrai ; mais mettez- vous en repos, je vous en supplie, puisque vous pouvez espérer qu'il est sous la protection spéciale de Notre- Seigneur et de sa sainte Mère, par tant de dons et d'offrandes que vous lui en avez faites, et qu'il est ami des gens de Dieu, et que, par ainsi, il ne lui peut mésar- river ^. Mais que dirons-nous de cette trop grande ten- dresse ? Certes, Mademoiselle, il me semble que vous devez travailler devant Dieu à vous en faire quitte.
Lettire 40. — Manuscrit Saint-Paul, p. 6.
1. Nous lisons dans les Pensées de Louise de Marillac, p. 124 : « Je suis partie le jour Sainte-Agathe, 5 de février, pour aller à Saint-Cloud. A la sainte communion, il me sembla que Notre-Sei- gneur me donnait pensée de le recevoir comme l'époux de mon âme, et même que ce m'était une manière d'épousailles, et me sentis plus fortement unie à Dieu en cette considération, qui me fut extraordinaire, et eus la pensée de tout quitter pour suivre mon Epoux, de le regarder dorénavant comme tel et regarder les diffi- cultés que je rencontrerais comme les recevant de la communauté de ses biens. Dieu permit, ayant le désir de faire dire la messe ce jour-là, à cause que c'est l'anniversaire de mes noces, et m'en rete- nant pour faire un acte de pauvreté, voulant être toute dépendante de Dieu dans l'action que j'allais faire, sans en rien témoigner à mon confesseur, qui dit la messe, où je communiai ; et entrant à l'autel, il eut la pensée de la dire pour moi par aumône et de dire celle des épousailles. »
2. Mésarriver se dit d'un accident fâcheux amené par quelque faute ou quelque imprévoyance.
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puisqu'elle n'est bonne qu'à vous embarrasser l'esprit ei" qu'elle vous prive de la tranquillité que Notre-Seigneur désire en votre cœur et [du] dépouillement de l'affection de tout ce qui n'est pas lui. Faites-le donc, je vous en supplie, et vous ferez l'honneur à Dieu, qui est chargé du souverain et absolu soin de M. votre fils et qui ne veut point que vous vous intéressiez que d'une manière dé- pendante et douce.
Nous sommes de retour il y a trois ou quatre jours, en bonne santé, et notre compagnie est partie aujour- d'hui pour aller à Chelles ^, où j'espère me rendre dans deux jours.
Je vous ai adressé une fille de Maisons * pour quelque temps. Je vous supplie. Mademoiselle, de lui faire la charité que je vous ai priée, par celle qu'elle vous aura pu rendre, et vous coopérerez au salut de deux âmes à la fois, et de me mander si elle vous est allée trouver, et quand vous pensez avoir fait à Saint-Cloud, et si cette bonne fille de Suresnes ^ qui vous a vue d'autre- fois et qui s'emploie à enseigner des filles, vous